Accusées de faire perdre à l’Afrique plus de 74 milliards USD : Le PNUD charge les agences de notation

La contestation des analyses que livrent fréquemment les agences de notation sur les économies africaines s’élargit de plus en plus, jusqu’à atteindre les organes de l’ONU.

Cette fois-ci en effet c’est le PNUD (Programme des Nations Unies pour le développement) qui vient, dans un rapport intitulé «Réduire le coût des emprunts en Afrique : Le rôle des notations souveraines», faire une mise au point, en reprochant à trois desdites agences d’utiliser des méthodes d’analyses ayant fait perdre au continent africain plus de 74 milliards de dollars d’opportunités d’investissement.

Les trois agences mises en cause dans une note d’information émanant du bureau régional pour l’Afrique de l’organisme onusien, rendue publique ce mois d’avril, sont Fitch Ratings, Moody’s et Standard and Poor’s (S&P) Global Ratings.

Les principaux reproches que formulent les rédacteurs de ce document critique du PNUD aux agences en question sont le « parti pris en faveur du pays d’origine des agences de notation ou de ses alliés économiques, un parti pris contre la plupart des formes d’intervention de l’Etat (dans les pays africains, ndlr), une tendance à la fluctuation des notations en fonction du cycle économique, et un conflit d’intérêt (puisque l’émetteur de l’obligation paie l’agence de notation) », relève sans ambigüité le bureau régional pour l’Afrique du PNUD dans sa note au ton ouvertement critique à l’égard des agences de notation qui semblent faire la pluie et le beau temps sur les marchés mondiaux de capitaux et le transfert des IDE (Investissements directs étrangers).

Pour mieux illustrer le préjudice des erreurs d’appréciation ou de la manipulation des notations de ces agences dans leur attribution de notes sur les risques pays en Afrique, les auteurs de la note procèdent à l’analyse d’un marché obligataire concertant 16 pays africains, avec son volume, son rendement et ses coûts d’opportunité observés et estimés.

En combinant les chiffres, il en ressort des tableaux dressés par les analystes du PNUD que « le coût total des idiosyncrasies (représentant des risques spécifiques, donc supplémentaires, ndlr) des notations de crédit en Afrique est estimé à 74,5 milliards de dollars en intérêts excédentaires et en financement perdu pour les pays ».

Avec ce volume, les pertes sont ainsi colossales pour les 16 économies africaines, car « ce montant représente près de 12 % de plus que l’ensemble de l’aide publique au développement nette de l’Afrique en 2020 », souligne le document en question à titre de comparaison, ajoutant aussi que « le coût estimé de 74,5 milliards de dollars représente 6 fois le coût de la vaccination de 70 % des Africains (12,5 milliards de dollars) pour obtenir une immunité collective contre le COVID-19, 80 % des besoins annuels d’investissement en infrastructures de l’Afrique (estimés à 93 milliards de dollars), plus de deux fois le coût d’une réduction de 90 % du paludisme (34 milliards de dollars) ».

La justesse des notations mise en doute

Tout en relevant le parti pris des agences de notation dans leurs évaluations, l’organe onusien pour le développement n’épargne pas non plus les Etats du continent où, souligne le même document, « il reste difficile pour les évaluations des risques et les notations de crédit de refléter fidèlement la réalité.

Cela est dû en grande partie à la pénurie de données actualisées, et en partie à la nature pionnière de nombreux marchés africains. En outre, les agences de notation ont du mal à trouver des experts ayant une connaissance suffisamment approfondie et régionale. Par conséquent, beaucoup ont mis en doute la justesse de certaines notations ».

Enfin, appelant les agences de notation à revoir leur approche s’agissant de l’évaluation des économies africaines, les experts du PNUD appellent à « l’ajustement des notations de crédit qui ne correspondent pas à la réalité macroéconomique des pays », ce qui pourrait, est-il ajouté, « améliorer la perception du risque et entraîner une augmentation des flux d’IDE (Investissements directs étrangers, ndlr).

En effet, les notations de crédit influencent souvent indirectement les IDE en affectant la perception du climat d’investissement d’un pays et sa capacité à rembourser ses dettes. En améliorant leur notation, les pays africains pourraient attirer davantage d’IDE, ce qui est essentiel pour la croissance économique et le développement à long terme ».

Peu avant cette sortie inhabituelle de l’organisme onusien, l’assureur français spécialisé dans l’assurance-crédit, Allianz Trade, s’est attiré des critiques de nombreux observateurs en publiant un classement des économies africaines basé sur des données on ne peut plus douteuses. Dans le cas de l’Algérie, à titre d’exemple, la filiale du groupe Allianz est allée jusqu’à noter «une baisse» de la production des hydrocarbures et prédire son épuisement proche, alors que le pays vient de se hisser depuis 2022 parmi les principaux fournisseurs de l’Europe en gaz, en devenant le premier fournisseur de l’Italie et le deuxième pour l’Espagne et la Grèce.

Mohamed Naïli

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