Déficit de la balance commerciale avec la Chine : l’Afrique doit sortir de son statut d’exportateur exclusif de matières premières
Durant les quatre premiers mois de l’année en cours, la balance commerciale entre la Chine et l’Afrique a atteint 94,4 milliards de dollars, faisant ressortir une croissance de 8,9% par rapport à la même période de l’année précédente.
Néanmoins, en se penchant sur les flux entre les deux partenaires et la nature des produits échangés, il s’avérera que seule une intégration régionale est à même de garantir au continent africain de sortir de sa posture de gisement de l’économie mondiale.
De prime abord, tel qu’il ressort des données que viennent de publier les services de douanes chinois, la balance commerciale est toujours favorable à l’empire du Milieu qui a exporté vers l’Afrique pour 58,9 milliards de janvier à la fin avril dernier, alors que les exportations de l’ensemble des pays du continent vers cette puissance asiatique ne totalisent que 35,5 milliards de dollars. Si les exportations chinoises ont enregistré une croissance de 26,9% par rapport à la même période de l’année 2022, les exportations africaines vers la Chine durant les 4 premiers mois de 2023 ont, en revanche, reculé de 11,8% par rapport à la même période de l’année d’avant.
Les éléments d’analyse qui se dégagent de l’évolution de la balance commerciale Afrique-Chine indiquent, à première vue, que les exportations des pays africains sont constituées quasi exclusivement de matières premières. Si elles ont reculé de 11,8% durant les quatre premiers mois de cette année, les analystes estiment que c’est dû à la baisse des cours des matières premières sur le marché mondial, d’un côté, et à une reprise de l’économie chinoise plus lente que prévue après sa sortie de sa politique dite zéro Covid-19 depuis janvier dernier, d’autre part, ce qui a induit une demande moins dynamique en matières premières et minerais.
La lecture qu’en fait l’ancien secrétaire exécutif de la Commission économique pour l’Afrique des Nations unies, Carlos Lopes, abonde, d’ailleurs, dans ce sens. «Le ralentissement de la croissance économique chinoise, due à des périodes de confinement prolongées et aux tensions géopolitiques qui ont perturbé les chaînes d’approvisionnement en 2022, a considérablement augmenté les stocks de minéraux en Chine et réduit la demande pour tous les produits de base», a-t-il déclaré en réaction à la publication de ces statistiques par les services des douanes chinoises.
La Zlecaf, clé de voûte de l’intégration régionale
A l’inverse, les importations des pays africains sur le marché chinois connaissent une prédominance de produits relevant de la petite industrie et des équipements, dont les textiles, machines, équipements électroniques divers.
Alors que la Chine a pris ces deux dernières années des engagements visant à renverser cette tendance, à savoir encourager la diversification des exportations africaines vers le pays asiatique pour que le continent ne reste pas cantonné dans sa position de fournisseur de matières premières, c’est la même configuration qui se dégage. Pour rappel, en 2021, lors du Forum sur la coopération Chine-Afrique, le président chinois Xi Jinping s’est engagé à augmenter les importations de Pékin en provenance de l’Afrique, principalement les produits agricoles, mais deux ans plus tard, la situation reste inchangée. La balance commerciale de l’Afrique fait aussi ressortir un solde déficitaire que ce soit avec l’Europe, le reste de l’Asie, les Etats-Unis ou l’Amérique latine.
C’est pourquoi donc, seule une intégration régionale effective et active est en mesure de permettre aux pays africains de diversifier leurs exportations mais aussi de mieux valoriser les matières premières, dont ils regorgent et en tirer profit, et ce, en développant des industries locales pour limiter leur exportation à l’état brut.
En conséquence, les mécanismes comme la Zlecaf (Zone de libre-échange continentale africaine) peuvent s’avérer d’une importance capitale, à la seule condition de faciliter et accélérer sa mise en œuvre. A titre indicatif, dans un récent rapport, le FMI estime que l’entrée en vigueur de la Zlecaf générera une hausse de 53% des échanges commerciaux intra-africains.
Dans le même sens, cette semaine, c’est la BAD (Banque africaine de développement) qui vient de mettre en garde les pays africains en les exhortant à développer les industries locales adaptées à la transition énergétique en cours. Faute de quoi, le continent risque de ne gagner que 55 milliards de dollars sur un potentiel de 8.800 milliards s’il se contente d’exporter à l’état brut les minerais nécessaires à la fabrication d’équipements pour la production et le stockage d’énergies propres, comme les éoliennes, les panneaux solaires ou les batteries pour véhicules électriques.
Mohamed Naïli
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