La lutte contre l’informel passe aussi par le renforcement du dialogue social, se sont accordé à dire les intervenant à l’atelier d’évaluation organisé ce lundi à Alger par la Confédération générale des entrepreneurs algériens (CGEA).
Cet événement, organisé dans le cadre d’un partenariat avec l’Organisation internationale du travail et cofinancé par l’Union européenne, a été l’occasion d’échanger sur les moyens et la stratégie à adopter par la CGEA pour amener certains acteurs économiques locaux à sortir de l’informel. Un exposé a été fait par Khemnou Boukhalfa, consultant pour la CGEA, sur l’informel dans le Bâtiment, des travaux publics et de l’hydraulique (BTPH), un des secteurs où ce phénomène est très répandu.
C’est d’ailleurs dans cette perspective qu’un projet régional de l’OIT, intitulé « Dialogue social pour la formalisation et l’employabilité dans le voisinage sud (SOLIFEM), a été engagé depuis deux ans déjà et dont le but est de «soutenir une transition de l’économie informelle vers l’économie formelle, par le biais du dialogue social ». Onze départements ministériels, représentés par le ministère du Travail, de l’emploi et de la Sécurité sociale, sont aussi associés à la démarche de la CGEA auprès des entreprises et de ses adhérents dans plusieurs wilayas du pays.
Invité à intervenir au début de la rencontre, le secrétaire général de l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA), Amar Takdjout, a estimé que «l’informel n’est pas seulement un problème financier mais aussi un problème de société qu’on peut combattre avec le dialogue ». Tout en soulignant la nécessité de mettre en place des mécanismes juridiques, fiscaux, administratifs, etc., pour accompagner les entreprises sur le terrain, M. Takjout affirme que «le dialogue social est culturel et n’est pas conjoncturel ».
Un avis partagé aussi bien par Daniel Cork, chef de projet SOLIFEM au sein de l’OIT à Alger, que par Farid Hagazy, consultant, qui ont eu à proposer quelques pistes de réflexions sur le rôle des organisations patronales dans la lutte contre l’économie informelle.
Avec une masse monétaire qui circule dans l’informel et estimée à 90 milliards de dollars et un marché de l’emploi dominé à environ 41,9% de travailleurs opérant dans l’informel, l’Algérie a besoin en effet d’une stratégie à même de réduire de l’ampleur de ce phénomène à défaut de le faire disparaitre complètement, puisqu’il s’agit d’un phénomène mondial. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : un quart (25%) de la population mondiale travaille dans l’informel, c’est-à-dire sans protection sociale et sans accès à une pension en partant en retraite.
Car, il s’agit aussi d’une question sociale qui nécessite des réponses. «C’est pourquoi nous avons lancé ce projet », insiste M. Cork, dont les propos ont été appuyés par les autres intervenants.
Pour sa part, Roberto Suarez Santos, secrétaire général de l’Organisation internationale des employeurs dont la CGEA est membre actif, une partie de cette lutte est d’ordre politique, donc du ressort des pouvoirs publics dont il revient de lever de nombreuses contraintes auxquelles les entreprises sont quotidiennement confrontées et qui poussent certaines d’entre elles à sombrer entièrement ou en partie dans l’informel.
«Il s’agit, selon nous, de lever les contraintes administratives que rencontrent certaines entreprises qui ont aussi besoin d’un accès facile aux financements », estime M. Suarez, relevant d’autres difficultés liées à l’acquisition par les entreprises aux devises, au manque de soutien dans les périodes difficiles (comme cela était le cas durant la crise sanitaire de covid-19), au défi de régulation du travail, ainsi qu’à l’importation des matières premières et l’exportation des produits finis.
Ces problèmes et blocages empêchent les entreprises d’être compétitives, mais ils amplifient le phénomène de l’informel, insiste M. Suarez. «Nous ne sommes pas seulement des agents économiques, mais aussi des agents de changements, de valeurs », conclut le SG de l’OIE.
Revenant sur les ateliers déjà menés dans les wilayas de Sidi Bel Abbes, de Blida, Guelma et Laghouat, M. Khemnou a affirmé que les entreprises et les travailleurs sont souvent confrontés aux mêmes difficultés, proposant un arsenal d’actions pouvant changer la donne et inciter l’ensemble des acteurs à sortir de l’informel pour entrer dans la légalité.
«la lutte contre l’informel passe par la tripartite (Gouvernement, employeur et employé) », explique d’emblée, lors de son intervention, plaidant pour «le renforcement des compétences » au sein des entreprises. Il est aussi question de «révision des codes marchés publics » que certains entrepreneurs jugent exclusifs, en raison des critères fixés dans le choix des contractants et du système d’évaluation des offres. Le délai de paiement des situations a été inscrit sur la liste des difficultés rencontrées par les entreprises, a poursuivi M. Khemnou, plaidant pour une amélioration de l’inclusion financière et une harmonisation du système fiscal.
Lyès Menacer
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