L’Algérie est le premier partenaire commercial de l’Italie en Afrique. Les échanges commerciaux sont en augmentation constante. En avril dernier, un accord a été signé entre Sonatrach et ENI pour augmenter l’approvisionnement de l’Italie en gaz naturel algérien.
Cet accord a été signé à l’occasion d’une visite du Premier ministre italien, Mario Draghi, en Algérie, précédée par celle du président italien, Sergio Mattarella, en novembre. A son tour, le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, a effectué une visite de travail de trois jours en Italie.
Dans un entretien accordé à DzEntreprise, Yacine Madouche, docteur en sciences économiques, enseignant chercheur et chercheur associé LAREMO, revient sur la nouvelle dynamique de dialogue et de coopération stratégique que les deux pays veulent lancer. Le spécialiste en économie soutient que l’accord gazier est une opportunité d’élargir les champs de coopération économique dans le cadre de partenariats gagnant-gagnant. Le nouveau code des investissements est à même d’encourager les deux Etats à s’inscrire davantage dans cette démarche.
Le président Tebboune a effectué une visite de trois jours en Italie. Une visite qui fait suite à celle de son homologue italien, Sergio Mattarella, en novembre 2021 en Algérie, suivie de celle du Premier ministre, Mario Draghi, en avril dernier. Quels sont, selon vous, les enjeux économiques et politiques de cette visite ?
Yacine Madouche : Le rôle que peut jouer la coopération internationale, en aidant les États à atteindre leurs objectifs sociaux, politiques et économiques, est un vaste sujet. Il s’agit, en grande partie, des gains que permet la coopération en matière d’efficacité économique. Il est important de savoir toutefois que la coopération internationale a une portée plus large que cela, puisqu’elle se rapporte à des questions fondamentales comme la paix, la sécurité, la lutte contre la pauvreté et les droits de l’homme. La coopération internationale contribue au soutien d’une bonne politique sur le plan national. Et cette visite du président Tebboune à son homologue en Italie, s’inscrit, à notre sens, dans ce cadre-là, au-delà des protocoles de diplomatie, de courtoisie et de la symbolique des relations dites privilégiées.
Il est à savoir que l’Italie est membre du G7 et elle fait partie du G20. Récemment, son gouvernement a orienté les priorités de la politique étrangère italienne vers l’Union européenne, la relation transatlantique et plus largement, le multilatéralisme et le libre-échange.
Par ailleurs, dans le contexte actuel, l’Algérie et l’Italie visent à relancer une nouvelle dynamique de dialogue et de coopération stratégique grâce aux projets d’investissements et aux accords conclus permettant à l’Algérie de devenir le premier partenaire commercial de l’Italie en Afrique.
L’Algérie devient le premier fournisseur de l’Italie en gaz. Comment analysez-vous cette position dans un contexte de troubles géopolitiques ?
Il faut savoir que les échanges commerciaux entre l’Algérie et l’Italie ont atteint, en 2021, les 8,5 milliards de dollars, enregistrant ainsi une forte hausse par rapport à l’année 2020 (le montant des échanges était de 6 milliards de dollars). L’Algérie a d’ailleurs augmenté récemment les volumes de gaz exporté vers l’Italie.
Cette position est beaucoup plus confortable pour l’Italie, comparativement aux autres pays européens qui subissent les conséquences du conflit Russie – Ukraine à cause de leur forte dépendance au gaz russe. Elle peut constituer une opportunité d’élargir les champs de coopération économique en termes de partenariats stratégiques, à travers plusieurs secteurs, à savoir : l’industrie, l’agriculture, le tourisme, l’enseignement et les services.
Le contexte actuel de troubles géopolitiques coïncide aussi avec certains incidents diplomatiques récents de certains pays européens avec l’Algérie d’une part, et le renvoi des échéances de la signature de l’accord d’association de libre-échange avec l’UE. Par conséquent, l’Italie se distingue comme le partenaire privilégié avec qui des partenariats stratégiques peuvent se concrétiser dans une approche gagnant-gagnant pour les deux pays.
Les entreprises italiennes explorent les opportunités d’investissement et de partenariat en Algérie. Quelles sont les chances (les opportunités) pour nos entreprises d’aller vers ce partenariat gagnant-gagnant ?
A notre sens, les opportunités pour nos entreprises résident, dans la pertinence et l’efficacité du nouveau code de l’investissement en Algérie. Car le gouvernement prévoit la création d’un guichet unique à compétence nationale pour les grands projets d’investissement (grandes entreprises) et des guichets uniques décentralisés pour les investissements locaux (dédiés aux PME), d’une part, et de la compétitivité de nos entreprises qui constitue un facteur d’attractivité aux entreprises italiennes, d’autre part.
Il est à comprendre que le modèle économique de l’Italie est fondé sur la dualité entre deux systèmes : un système de grandes entreprises (modèle fordien hybride) et le système de PME de spécialisation flexible. Contrairement à l’Algérie qui demeure dépendante des recettes des hydrocarbures qui cherche une alternative dans la diversification de son économie.
Le premier système intéressera nos grandes entreprises comme, d’ailleurs, le récent accord entre Sonatrach et ENI qui s’étend même au domaine de la formation. Aussi, le secteur automobile à relancer, à titre d’exemple, en tenant compte des perspectives futures du marché mondial de l’automobile (véhicule électrique et hybride)
Le deuxième système intéressera nos PME à travers les différents filières productives, telle que l’agroalimentaire, le textile, l’agriculture, le tourisme et les services. Il est à savoir qu’un nombre de PME locales arrivent à être compétitives face à de grandes marques de renommée mondiale de l’agroalimentaire.
Au-delà de la substitution aux importations, l’approche de l’exportation et le développement à l’international reste une option dans le cadre du partenariat stratégique gagnant-gagnant visant l’intégration de nos entreprises (grandes ou PME) dans les chaînes de valeurs mondiales des différents secteurs.
Un important forum d’affaires algéro-italien se tiendra à Alger, en juillet prochain. En votre qualité de spécialiste en économie, quel pourrait être l’apport de ce forum en termes de concrétisation des partenariats gagnant-gagnant ?
Tout comme n’importe quel événement d’affaires, ce forum vise l’objectif de rencontres, d’échanges et de mise en réseaux des entreprises exerçants dans différents secteurs d’activités des deux pays. Cela dans des perspectives de partenariat gagnant-gagnant. Sachant que ce dernier va garantir le développement en commun, le transfert de technologie et le partage des risques.
Au-delà de l’événementiel, les deux parties devraient avoir une vision claire sur le long terme comme c’est le cas pour le domaine de l’énergie (gaz).
Il est à envisager des investissements italiens en Algérie dans les domaines des assurances et des banques comme gage de garantie et de confiance à leurs entreprises, en les accompagnants dans leurs partenariats stratégiques.
Entretien réalisé par Karima Mokrani
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