Le secteur oléicole en Algérie dispose d’un véritable potentiel qui mérite d’être exploité dans le cadre d’une démarche solidaire et inclusive, ont affirmé plusieurs intervenants au séminaire organisé à Alger, à l’occasion de la clôture du «Programme d’appui au secteur de l’Agriculture (PASA)», financé par l’Union européenne (UE), sous la tutelle du ministère de l’Agriculture et du développement rural (MADR).
Du développement de variétés d’oliviers existantes à travers le pays à la vente de l’huile d’olive, en passant la valorisation des déchets issus de l’oléifaction, l’oléiculture offre aussi d’énormes opportunités économiques et permet le développement du monde rural, où les femmes constituent une véritable matrice pour ce faire.
Il s’agit en effet de valoriser toute une chaîne de valeur de cette filière oléicole, à travers notamment la formation du capital humain, nécessaire à relever ce défi, en plus des aspects environnementaux sur lesquels les responsables du PASA ont beaucoup insisté. Il a été également question de la certification des produits issus de cette activité pour les besoins de l’exportation et de la conquête d’un marché international très concurrentiel.
Ce pourquoi le PASA a brassé large, avec le Pôle Soummam basé à Béjaia mais qui a touché aussi les wilayas de Bouira et de Tizi Ouzou. Ces trois wilayas représentent à elles seules plus de 40% de la production nationale de l’huile d’olive mais c’est à Béjaia où se trouve plus de 70% des vergers oléicoles.
«Il y a eu de la capitalisation», explique Ali Ferrah, directeur de l’INRAA, en marge de cette rencontre, affirmant qu’il s’agit maintenant de « faire le travail de la consolidation, de l’institutionnalisation des résultats des produits, faire les links de la communication, etc. Cela nous prendra entre six mois et une année».
Selon lui, il ne faut pas perdre ces acquis qui ouvrent la voie à la généralisation de cette expérience de cinq ans à d’autres régions du pays et à d’autres secteurs d’activités.
En effet, le PASA a permis la formation de nombreux professionnels dans le domaine oléicole qui ont affirmé, lors de la rencontre de mercredi, avoir beaucoup appris sur un métier qu’ils avaient hérité via une longue tradition familiale, expliquant avoir pris conscience de la nécessité de le faire évoluer pour améliorer la qualité des produits mais aussi développer un patrimoine oléicole menacé plus que jamais par les changements climatiques et des incendies récurrents et dévastateurs, comme celui de l’année 2021 qui a causé des dégâts humains et matériels et exterminé des élevages entiers, seule source de revenus pour beaucoup de familles.
Ce tragique épisode a d’ailleurs fait l’objet d’un symposium qui a permis d’apporter des réponses concrètes en faveur de la reconstitution des arbres fruitiers touchés par les incendies et leur permettre une meilleure « réadaptabilité » aux changements climatiques.
Ainsi, au moins 60 experts, dont 40 en oléiculture et 20 en oléifaction, ont été formés et couvrent aujourd’hui les trois wilayas, formant un important réseau d’aide et de soutien aux agriculteurs locaux. Ces derniers, dont on dénombre plus de 3000, ont été formés pour améliorer leur pratique oléicoles.
Des représentants des oléiculteurs ont affirmé avoir beaucoup évolué ces cinq dernières années et appris à mieux s’organiser pour pouvoir faire face à la concurrence et ambitionner à relever le défi de l’exportation.
C’est le cas de la coopérative OleiCoop Soummam, constituée de sept huileries d’achat et de trituration des olives et dont les responsables affirment mieux avancer en groupe qu’individuellement.
«En nous unissant, nous avons un accès facile aux crédits bancaires et au marché», a déclaré Lakhdar Ibaliden, président de cette coopérative. Le recours à la création de coopérative, non pas seulement dans la filière de l’huile d’olive est considéré comme un des meilleurs moyens pour le développement de l’agriculture locale, toutes activités confondues, mais surtout pour la commercialisation des produits sous un label commun, gage de confiance avec les consommateurs.
Mais pour la conquête du marché international, le défi de la qualité est énorme et chaque acteur de la filière en est conscient, ce qui explique l’implication active de l’Organisme algérien d’accréditation (ALGERAC), dont le directeur général Nourredine Boudissa a assisté à la rencontre de mercredi et expliqué longuement les enjeux de la certification et l’impératif d’une démarche durable et pérenne dans le travail du premier laboratoire ITAFV Takerietz qui s’apprête à obtenir le sésame qui lui permettra de contribuer à l’amélioration de la qualité de l’huile d’olive.
«l’accréditation d’aujourd’hui est une preuve de compétence sur un métier qu’on fait», a-t-il affirmé, expliquant que les Algériens doivent se familiariser avec le référentiel international «ISO 17025» afin de pouvoir trouver des débouchés dans le marché extérieur, sans pour autant négliger le marché local, lui aussi de plus en plus demandeur en huile d’olive de qualité. Il restera ensuite de franchir le Conseil oléicole international qui donnera aussi son quitus, en matière de certification.
Pour ce faire, le responsable d’Expertise France, l’un des partenaires du PASA, Oliviers Rives, a proposé une série de mesures que les professionnels sont obligés de prendre s’ils veulent rivaliser avec leurs concurrents étrangers, à commencer par la préservation et le développement des 17 variétés locales d’oliviers déjà identifiées.
Selon le président d’Expertise France et non pas moins chef de projet du PASA, pôle Soummam, il y a un travail à faire sur le plan du conditionnement et de la présentation des produits, en passant du plastique au verre ou à l’acier pour préserver la qualité de l’huile, rappelant au passage la nécessité d’inverser la tendance actuelle : atteindre 75% de moulins modernes et plus de 80% d’huile extra-vierge.
La dimenson environnementale n’a pas non plus été négligée par le PASA qui en a fait un fil conducteur pour encourager la valorisation des déchets issus de cette filière (grignons et margines) et la protection de la nature.
Pour rappel, le « Programme d’Appui au Secteur de l’Agriculture (PASA)» en Algérie, lancé en 2018 et financé par l’Union européenne, a pris fin en septembre dernier, après cinq ans d’un laborieux mais fructueux travail dans plusieurs wilayas du pays.
Le coût de cet investissement est de plus de 16,5 millions d’euros, selon les données fournies sur le site du PASA, auquel ont pris part plusieurs organismes et institutions nationaux et européens.
Outre Expertise France, l’on peut citer la Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ) GmbH, en partenariat avec l’Institut National de la Recherche Agronomique d’Algérie (INRAA).
Les responsables et promoteurs du projet PASA envisagent déjà de poursuivre le parcours engagé via le PASA+ qui adoptera une approche plutôt territoriale.
Lyès Menacer
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