Tebboune : «Entraver la réalisation de projets prêts au lancement pour des raisons bureaucratiques est un crime contre l’économie»
Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a appelé, ce samedi à l’ouverture des travaux de la Conférence nationale sur la relance industrielle, les énergies du pays à faire face au défi de libérer les investissements et à instaurer un climat d’affaires à même de permettre la reprise des projets bloqués au niveau de l’Agence nationale de développement de l’investissement (ANDI) et du ministère de l’Industrie.
Lors de son intervention inaugurale, le président Tebboune a révélé que l’ANDI a libéré, à fin novembre, 581 demandes pour bénéficier des avantages octroyés par l’Etat au profit des investisseurs.
Un premier pas important pour l’économie nationale quand on sait que plus de 1 500 dossiers d’investissement sommeillaient dans les tiroirs de l’ANDI, notamment à cause du climat d’affaires qui prévaut depuis 2019, c’est-à-dire au lendemain de l’arrestation des hommes d’affaires et de hauts cadres de l’Etat.
Promettant d’accélérer le processus, le Président Tebboune a affirmé que la même agence va procéder, dès cette semaine, à la levée du gel de 356 demandes supplémentaires. Cette mesure salvatrice permettra la création de plus de 75 000 postes d’emploi directs.
Avec tous les dossiers libérés, cela donnera un total de 937 dossiers qui permettront la création de dizaines de milliers d’emplois directs dès la première phase d’exploitation.
Par ailleurs, le premier magistrat du pays a révélé que 57 projets sur les 402 projets d’investissement suspendus pour des raisons administratives viennent de faire l’objet d’une mesure de dégel, affirmant que le blocage de ces projets, prêts au lancement, est intervenu en très peu de temps, ce qui suscite, selon M. Tebboune, des interrogations sur « les véritables raisons de ces obstacles ».
« Entraver la réalisation de projets prêts au lancement pour des raisons bureaucratiques est un crime contre l’économie perpétré par des personnes qui défendent des intérêts douteux avec des calculs politiciens », a déploré le président de la République soulignant qu’« il est inconcevable de geler des projets faute d’autorisations administratives malgré la mobilisation de milliards pour leur réalisation, c’est là un comportement antipatriotique ».
L’industrie ne représente que 5 à 6% du PIB
Avec un discours franc, direct et sans complaisance, qui semble susciter un grand espoir chez les opérateurs invités à cette conférence, M. Tebboune a mis le doigt sur la plaie.
En ce sens, le président regrette que le secteur industriel ne représente actuellement qu’environ 5 à 6% du produit intérieur brut (PIB), ce qui « donne une idée de l’ampleur du défi que l’Algérie doit relever ».
Pour lui, il est urgent d’augmenter cette contribution PIB de 10 à 15% pour un véritable décollage du secteur. « Il est possible d’atteindre le taux de 10% au PIB avec des efforts raisonnables, néanmoins si nous voulons opérer une révolution industrielle, il faut atteindre un taux de 15 % », a-t-il souligné encore, citant l’exemple de certains pays européens dont les industries contribuent avec 20 % au PIB.
« Une augmentation de cette contribution réduira également les importations industrielles. Il faudra appliquer rigoureusement les instructions liées à l’interdiction d’importer des produits fabriqués localement afin de protéger la production nationale », dira encore M. Tebboune, relevant que « ce défi est à notre portée aujourd’hui. Nous sommes décidés à le relever par des démarches concrètes et efficaces notamment en levant les obstacles rencontrés par les usines afin de leur permettre de participer, autant que possible, au revenu national, et de contribuer au parachèvement des projets en cours de réalisation ou gelés sur fond de calculs politiciens ou d’intérêts suspects ».
Mieux, le président de la République a donné des instructions destinées aux banques et qui prévoient un financement à hauteur de 90% de la valeur des projets dans les industries manufacturières.
L’Agence du foncier industriel opérationnelle en 2022
Abordant le foncier industriel, le président de la République a également annoncé que l’Agence nationale du foncier industriel (ANFI) sera opérationnelle au courant de l’année 2022.
Cette agence spécialisée, souligne M. Tebboune, « facilitera aux investisseurs l’acquisition d’assiettes foncières dans un court délai avant de procéder au retrait du foncier industriel auprès des walis et des présidents des assemblées locales ».
Aussi, cette entité, par ailleurs très attendue par les investisseurs, procédera à l’acquisition des assiettes foncières destinées à l’investissement relevant des zones industrielles qui, elles, resteront sous la tutelle de l’administration locale.
Là aussi, le Président Tebboune a lancé un message à peine voilé aux autorités locales : « le bon responsable est celui qui facilite le développement local et non celui qui cherche des prétextes pour ne pas signer des autorisations prévues par la loi ».
Sur sa lancée, le président Tebboune s’est engagé à faire de l’année 2022 « une année consacrée exclusivement à l’économie en ce sens que tous les dossiers susceptibles de concourir au développement du pays seront pris en charge ».
Tebboune menace de sévir contre les blocages et la corruption
Menaçant de sévir contre ceux qui bloquent l’économie, M. Tebboune a indiqué que « là nous verrons qui des responsables suivront notre démarche et ceux qui l’entraveront ».
Evoquant le cas de jeunes investisseurs, dont les projets ont été arrêtés ou gelés à cause de pratiques bureaucratiques ou en raison de la frilosité de certains responsables, M. Tebboune a dénoncé le blocage d’un jeune éleveur de vaches laitières dans la wilaya d’Oran dont le projet a fait l’objet d’une décision de démolition, puisque situé dans une zone industrielle et non agricole.
Il aurait été plus judicieux de transférer l’activité de ce citoyen vers un autre lieu », a estimé le Président Tebboune.
Relatant l’historique de l’industrie en Algérie, le chef de l’Etat regrette qu’« après l’aisance financière, le secteur a amorcé la phase de la fausse industrialisation, assimilée de façon caricaturale au gonflage des pneus et au détournement d’argent vers l’étranger sous plusieurs appellations, outre l’assemblage au lieu de la fabrication ».
Pour le président, l’état actuel de l’industrie nationale n’est pas « une fatalité » mais « une réalité », même si, dit-il, « certains aspects sont difficiles à appréhender et à maîtriser. Cependant, il est possible de redresser la situation en prenant urgemment les mesures nécessaires pour éradiquer la corruption et mettre fin à la dilapidation de l’argent public ».
Un plan d’action ambitieux pour les ateliers
Pour revenir à l’événement organisé par le ministère de l’Industrie, dont les travaux des ateliers se déroulent, du 4 au 6 décembre au Centre international des conférences sous le thème « ensemble pour relever le défi », cette conférence vise l’examen des mécanismes de la relance économique avec l’ensemble des acteurs du secteur, les porteurs de projets, dont les startups, les instances activant dans le marché des marchandises industrielles, les entreprises concernées par le soutien et l’accompagnement dans le domaine industriel, les centres d’études ou de recherches dirigées et les experts.
Pour atteindre cet objectif, un projet de plan d’action opérationnel sera présenté lors de cette conférence pour enrichissement et débat.
Quatre thèmes ont été retenus, dont le soutien aux entreprises, la promotion de la production nationale et les exportations, l’amélioration de l’environnement de l’investissement et la disponibilité du foncier, la gouvernance des entreprises publiques économiques et le rôle de l’Etat en tant que contributeur, ainsi que l’intégration, la diversification et la promotion de la compétitivité.
A noter que le président du Conseil national économique, social et environnemental (CNESE), Reda Tir, des cadres d’Etat, des patrons d’entreprises et de groupes industriels, publics et privés, des responsables d’administrations et d’institutions en lien avec le secteur de l’industrie et de l’investissement prennent part à cette conférence.
Nadine S
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