Seddik Benmazid:« C’est aux algériens de sauver le mobilier traditionnel »

Transformer des objets et des meubles en bois rouge en de véritables pièces artistiques, Seddik Benmazid  sait le  faire. Il le fait même très bien ! Voilà plus de 18 ans que cet artiste  dont les œuvres ont été et durant longtemps exposées à l’hôtel Aurassi,  joue avec les palettes, les couleurs et les miniatures pour habiller le bois rouge avec divers motifs dont le graphisme d’enluminure.  Les œuvres témoignent d’une certaine dextérité pour décorer le bois, la céramique et le verre, en combinant même parfois ces trois matériaux que Seddik Benmazid utilise à « satiété » pour métamorphoser des meubles et des objets du quotidien.

L’artiste, nous l’avons rencontré une première fois dans un  salon de l’artisanat, une seconde au Palais de la culture pour une exposition et une dernière fois  à son magasin, sis aux Sources à Alger, où nous avons eu l’occasion de le voir à l’œuvre dans un minuscule atelier situé au fond de l’atelier situé au fond du magasin où trônent des pièces plus belles les unes que les autres.

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Il y a des  coffres de l’aroussa  (la mariée), il nous dit qu’ils reviennent  à la mode, des  coffrets à bijoux aux prix très abordables, des étagères qui peuvent très bien compléter des cuisines modernes, des plateaux , des lutrins, des tableaux, des encadrements de glace composés de bois et de mosaïques ainsi que du mobilier de maison.

Le mobilier de maison, c’est ce qui a le plus attiré notre attention. On profitera d’une belle « gaada » dans le petit salon composé de deux  banquettes, d’une  table basse et d’un coffre de l’Aroussa en guise de table de télévision. Cet ensemble  chaleureux dont le prix avoisine celui d’un salon importé d’Indonésie  occupe un coin du magasin. Nous nous  y sommes installés pour  nous entretenir avec l’artisan qui a transformé  une banale banquette et une meida ordinaire (table basse) en bois rouge  ou en ‘multiplié’ pour réaliser de très belles pièces qui font prendre conscience que le mobilier algérien traditionnel est d’un extrême raffinement quand le travail est bien fait. C’est donc logiquement que la banquette a obtenu le 2ème prix du salon de l’artisanat en 2013.

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Sur les traces de son maître feu Mustapha Bendebbagh.

« J’essaie d’apporter une touche de modernité sur  des motifs traditionnels sans les dénaturer, je joue avec les formes et les couleurs, de telle sorte que  le mobilier traditionnel plaise à un maximum de personnes dont les jeunes. Je fais en sorte d’offrir une banquette complète avec une tapisserie qui s’accorde aux couleurs et motifs du meuble. Le tissu est fait chez un artisan de Tlemcen, Choukri Benaissa  qui vient d’ailleurs de remporter le 3ème prix du dernier salon de Tlemcen. En travaillant avec les autres artisans, je fais en sorte d’offrir le meilleur produit qui soit. Un produit raffiné !  »   

Le raffinement, Seddik Benmazid avoue l’avoir  développé auprès de  Mustapha Bendebbagh, le fondateur des arts plastiques en Algérie, décédé à l’âge de 100 ans en 2006. « J’ai eu la chance de côtoyer cet enfant de la casbah, auprès de lui, j’étais boulimique, je voulais tout apprendre, tout prendre et j’ai beaucoup appris. Ce métier, j’ai toujours voulu le faire, je ne me voyais pas faire autre chose, même si pour me préserver des aléas de la vie, j’ai fait une formation en dessin construction métallique …», confie, avec beaucoup d’émotion à l’évocation de  Mustapha Bendebbagh, notre interlocuteur qui s’est installé à son compte, il y a près de 3 ans, après la fermeture de  l’hôtel Aurassi pour travaux. « A quelques choses, malheur  est bon, j’ai exposé de façon permanente près de 15 ans  dans cet hôtel. C’est vrai que mes produits ont séduit beaucoup d’étrangers qui ont séjourné dans l’hôtel, mais mes clients principaux sont mes compatriotes, des Algériens qui ont soif de produits locaux de qualité »

Se développer et former les jeunes

Les commandes, l’artisan qui vient de réaliser le mobilier de 2 suites d’un hôtel privé à Ghardaïa,  a du mal à les gérer, faute d’espace et de main d’œuvre. « Il me faut 15 jours à 1 mois pour réaliser une banquette classique, je travaille seul. D’abord pour une question d’espace, mon atelier et très petit, ensuite par manque d’apprentis »

Comme bon nombre d’artisans, Seddik Benmazid  souhaite voir une maison de l’artisanat réunir, par activité, les artisans d’une ville, et Alger devrait en avoir plusieurs. «  Je veux pouvoir me développer, former les jeunes à ce métier pour qu’ils montent à leur tour leur propre affaire. Nous sommes aujourd’hui à peine 6 artisans dans tout Alger. C’est peu, très peu », regrette Seddik Benmazid qui refuse de se plaindre de manque de matière première que l’on importe, il reconnaît que  les pouvoirs publics font ce qu’ils peuvent pour aider les artisans,  soit par des mesures comme le paiement d’un impôt forfaitaire, soit  par des commandes spécifiques qu’il met le temps et la passion qu’il faut pour les  réaliser. « Surtout quand il s’agit de cadeaux destinés aux étrangers, c’est ma façon de contribuer à donner la meilleure image qui soit de mon pays », conclut notre interlocuteur qui rêve de voir la casbah bercée par les sons des marteaux , des rabots et des cliquetis des machines à coudre des artisans .

 S.A. 

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