Aussitôt le décret portant modalités de dédouanement des véhicules d’occasion de moins de 3 ans importés publié la semaine dernière au Journal officiel, suivi du communiqué des services de Douanes annonçant le lancement de ces opérations de dédouanement, le marché parallèle des devises entre en pleine ébullition.
Lors d’une virée auprès de certains cambistes dans la matinée d’hier, il a été remarqué que la devise européenne vient d’atteindre, sur le marché parallèle, un niveau record jamais égalé par le passé en se vendant à 225 dinars pour un euro. « L’euro n’a jamais atteint ce taux sur le marché noir depuis son lancement il y a plus de 20 ans », déclare, air étonné, un gérant d’un magasin d’habillement au centre-ville de Tizi Ouzou plus réputé comme bureau de change que pour le commerce de vêtements.
«Je viens juste de raccrocher au téléphone avec un commerçant d’Alger qui fait le change au marché Clauzel et avec qui je travaille aussi à distance lorsqu’un client souhaite récupérer ses devises dans la Capitale ou si quelqu’un d’Alger souhaite les récupérer ici, il m’a affirmé qu’hier dimanche, certains ont vendu pour 226 DA/1 euro », ajoute-t-il.
Toutefois, sur la plateforme Forex Algérie, qui suit en permanence l’évolution du taux de change des différentes devises au marché parallèle, l’euro est affiché à 221 DA à l’achat et 223 DA à la vente, mais, de l’avis des cambistes, ce taux ne reflète pas la réalité. « Ce site doit effectuer une mise à jour », commente le cambiste de Tizi Ouzou.
Quel qu’il en soit, comparés au taux de change officiel, c’est un énorme écart avec une envolée spectaculaire des taux atteints sur le marché parallèle. Sur le site de la Banque d’Algérie en effet, la cotation journalière pratiquée au niveau des guichets fait état d’un euro à 145,15 DA à l’achat et 145,22 DA à la vente ce 6 mars 2023. Le dollar américain, lui, est à 136,25 DA à l’achat et 136,27 DA à la vente pour la même journée, ceci au moment où sur le marché parallèle, le billet vert est à 210 DA à l’achat et 213 DA à la vente.
Interrogé sur l’évolution de ces taux de change sur le marché parallèle, le même cambiste fait remarquer qu’ « en tout cas c’est depuis deux ou trois mois que le taux de change de l’euro a commencé à grimper graduellement, plus exactement depuis l’annonce de la reprise de l’importation des voitures d’occasion. Mais cette semaine, la demande sur l’euro a fortement augmenté, parce que le gouvernement a annoncé le début de ces opérations d’importation ».
Quand les cambistes innovent
Quant à la tendance pour les jours ou semaines à venir en perspective, il estime que « tel que je connais ce marché, le taux de change de l’euro et du dollar risque de continuer de monter ou du moins se maintenir à ce niveau actuel, parce qu’il faut savoir qu’en cette période de l’année, il y a peu de devises qui entrent au pays, ce n’est pas comme l’été ou les périodes des vacances avec l’arrivée en masse des émigrés. En ce moment, il n’y a que les petites sommes issues des pensions de retraites qui sont versées en Algérie qui arrivent sur le marché parallèle ».
En effet, lorsque l’on sait que la nouvelle réglementation mise en œuvre pour encadrer ces opérations d’importation de véhicules d’occasion exige de l’acquéreur de payer le prix de la voiture achetée avec ses fonds propres, donc sans aucune possibilité au niveau de la banque pour l’obtention de devises au taux de change officiel, il est prévisible que les candidats à l’importation de ce type de véhicules vont se ruer sur le marché parallèle, ce qui a fini donc par faire flamber les taux de change.
Outre les transactions classiques d’achat et de vente de billets sur le marché, comme cela se fait traditionnellement au Part Saïd à Alger, Sétif, Tizi Ouzou et autres places publiques à travers différentes wilayas, désormais de nouvelles modalités de change ont fait leur apparition facilitant ainsi la circulation des devises en provenance de et vers l’étranger. Il s’agit de recours à l’achat de devises directement à l’étranger, particulièrement en France, et ce, en payant en dinar le cambiste en Algérie et l’équivalent en devise est récupéré auprès d’un correspondant une fois arrivé en France.
«Comme c’est des sommes importantes, dépassant généralement les 10 000 euros, les acheteurs préfèrent récupérer leurs devises une fois arrivés sur place pour éviter de voyager avec de grosses sommes. Moi personnellement, je travaille en collaboration avec 4 ou 5 cambistes qui font le change à Paris et Marseille. Je récupère leurs sommes en dinar ici, eux fournissent le montant équivalent en euro là-bas, puis on partage la marge bénéficiaire qui se dégage », nous explique le même cambiste, précisant que « cette formule a toujours existé mais désormais elle est devenue plus fréquente, parce que beaucoup de personnes évitent de prendre des risques, notamment avec les dispositifs de contrôle au niveau des Douanes, craignant d’éventuelles saisies ».
Mohamed Naïli
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