Blé dur : quels mécanismes pour atteindre l’autosuffisance en matière de production
Organisé par le Conseil de renouveau économique algérien CREA, ce 16 mars , et inauguré par Aïmene Benabderrahmane, Premier ministre, le Forum sur la sécurité alimentaire en blé dur s’est soldé par quatre recommandations majeures.
Recommandations qui seront consignées dans un rapport détaillé destiné au président de la République qui a parrainé cet important évènement qui, entre autres sujets, a abordé «les mécanismes nécessaires pour atteindre l’autosuffisance en matière de production de blé dur».
Blocages pour l’importation de machines agricoles rénovés, routes, assurances, disponibilités de l’eau, de l’électricité, de la main d’œuvre, des fertilisants, des semences, jouissance des terres à cultiver et révision de «la logique» d’octroi des subventions sont autant de points évoqués lors de cette rencontre à travers des documentaires consacrés aux céréaliculteurs et durant les interventions des panélistes et des agriculteurs.
«Le gouvernement attachera un intérêt particulier aux recommandations de cette rencontre, lesquelles seront minutieusement examinées pour enrichir les options qui se présentent en matière de participation des acteurs nationaux à la réalisation de la souveraineté nationale, en adhérant à une logique d’économie diversifiée, intégrée dans les chaînes de valeur mondiales», a affirmé le Premier ministre.
Il fera remarquer que «les thèmes examinés par le Forum figurent parmi les principales préoccupations du modèle socioéconomique défini dans les 54 engagements du président de la République». Et de souligner l’attachement de son gouvernement «à mettre en place une approche participative associant l’ensemble des acteurs pour réaliser l’autosuffisance en céréales, notamment en blé dur. Un objectif est désormais une vérité concrète après avoir été un simple slogan», précisant que le plan de la relance de la céréaliculture reposait sur la définition et l’explication des choix des cultures dans l’ensemble des terrains agricoles.
Les engagements du Premier ministre
Dans son allocution, Aïmene Benabderrahmane, qui a mis en exergue les efforts de l’Etat pour atteindre à terme l’autosuffisance en céréales, notamment le blé, a affirmé, en réponse à un problème soulevé dans le documentaire consacré aux entraves que rencontrent les céréaliculteurs du pays, notamment ceux du Sud qui ont mis en exergue la frilosité des banques «concernées par le financement de l’investissement agricole».
Le Premier ministre a mis en garde «contre tout refus de financement des dossiers des investisseurs agricoles remplissant les conditions exigées». «Aucun dossier ne sera rejeté, et chaque dossier complet et remplissant les conditions de financement non suivi de mesures d’application exposerait la banque concernée à des poursuites judiciaires», a-t-il indiqué. Reste à savoir si les banques privées, souvent promptes à financer les importations, vont-elles aussi jouer le jeu.
S’agissant des assurances de l’activité agricole, parent pauvre du marché des assurances, le Premier ministre regrette l’absence de cette culture chez les agriculteurs et invite les participants au forum à travailler de concert pour sensibiliser et amener les agriculteurs à contracter des assurances pour se protéger et protéger leur culture, notamment des conditions climatiques.
«L’assurance est l’un des principaux facteurs à même d’asseoir une agriculture moderne et assurer la durabilité des filières stratégiques sur lesquelles mise l’Algérie», soutient Aïmene Benabderrahmane, qui reconnaît qu’il y a encore à faire pour atteindre de meilleurs chiffres en termes de production céréalière en 2023. Le tout dira-il est de «mettre en place une stratégie sous-tendue d’un calendrier dans la perspective de réaliser l’autosuffisance en 2024-2025».
«L’Etat déploiera tous les moyens pour atteindre cet objectif, je suis convaincu que cette stratégie positive portera ses fruits, en ce sens que les superficies destinées à la céréaliculture en Algérie sont certes considérables, mais ne suffisent pas pour répondre aux besoins du pays», a-t-il souligné.
Les agriculteurs doivent s’organiser en coopérative
Autre problème soulevé par les agriculteurs est celui de la disponibilité de la machinerie agricole. La décision prise par les pouvoirs publics de permettre à ce secteur d’importer des machines et des tracteurs rénovés reste sans suite sur le terrain.
Les mécanismes mis en place pour autoriser le recours à ces machines sont qualifiés par les membres du Conseil inter-professionnel des céréales (CIC) de véritables verrous mis en place par l’administration centrale. Ils doivent être simplifiés et ouverts à toutes sortes de machines agricoles, pas seulement les tracteurs.
Suite à quoi, le Premier ministre qui a «pris bonne note» de cette doléance appelle «les agriculteurs à s’organiser en coopératives pour l’acquisition et l’exploitation du matériel agricole» par souci d’économie pour l’agriculteur et pour plus d’efficacité, tout en précisant que aller vers les coopératives reste «une démarche volontaire et une initiative privée et que l’administration doit suivre».
Doubler les capacités de stockage
Dans le secteur agricole, les capacités de stockage, notamment pour le blé dur, sont en deçà des quantités produites. Les résultats positifs obtenus par les filières maraîchères, que saluera le Premier ministre, ont mis à nu cette carence que reconnaît Aïmene Benabderrahmane. Il annoncera la décision de l’Etat de doubler les capacités de stockage sur l’ensemble du territoire national d’ici à la fin de l’année en cours, précisant que les emplacements des nouveaux entrepôts sont définis.
Abordant les engrais et les semences, Benabderrahmane a mis en relief l’importance de prendre en compte le critère de la qualité dans ces intrants, compte tenu de leur rôle dans le processus de développement du rendement des céréales en Algérie.
Le secteur privé appelé à créer des centres de recherche pour améliorer les semences
S’agissant de la disponibilité de la semence, pour rappel importée, et dont la «raréfaction» est mise en exergue par le CIC, le Premier ministre indiquera que les centres de recherche relevant du ministère de l’Agriculture et du Développement rural s’emploient à fournir des semences de qualité supérieure, appelant le secteur privé à créer des centres de recherche pour améliorer les semences, l’objectif étant de parvenir à un rendement de 70 q/ha dans la filière céréalière.
Le Premier ministre affirme que «des efforts visant à satisfaire les besoins nationaux en semences». «Le gouvernement a mis en place un programme pour augmenter la production et la qualité du produit.» Et d’annoncer la mobilisation de 2,7 millions de quintaux de semences pour un taux de couverture en semences certifiées de 70%, rappelant la nécessité d’assurer 4 millions de quintaux de semences certifiées de haute qualité et l’ouverture avant juin prochain de la Banque nationale des gènes. Ce qui, dira-t-il, constitue «un pas de géant que l’Algérie aura franchi depuis son indépendance, car cette banque sera parmi les facteurs de concrétisation de l’indépendance alimentaire et de la sécurité stratégique de l’Etat».
Réaffecter les terres agricoles à faible rendement
«Le plan d’action consiste également à mettre en place des systèmes d’irrigation intelligents, en cherchant des alternatives pour rationaliser la consommation d’eau, en sus de l’affectation d’un nouveau périmètre d’irrigation de 800.000 ha à l’horizon 2025 et réduire les terres en friche, élargissant, par extension, les superficies cultivées», affirme le Premier ministre en abordant le plan d’action pour augmenter la production en céréales, notamment en blé dur.
Aïmene Benabderrahmane a également indiqué que la réaffectation des terres agricoles à faible rendement aux cultures stratégiques, à l’instar de l’arboriculture fruitière, n’était pas à exclure, en sus de «l’encadrement du programme de développement dans les Hauts-Plateaux et le Sud et l’accélération de l’octroi du foncier agricole dans le cadre du programme de mise en valeur des terres agricoles par la concession (Office de développement de l’agriculture industrielle en terres sahariennes et l’Office national des terres agricoles)».
Il conclura son mot inaugural en responsabilisant les participants : «Vous êtes les principaux acteurs dans la mise en place de ces fondements à travers la formation d’un tissu regroupant les opérateurs économiques activant à travers l’ensemble des chaînes de valeurs, en adoptant la nouvelle démarche consacrée dans la loi sur l’investissement qui assure des voies multiples et diversifiés pour l’investissement».
Sabrina Mouloud
Principales recommandations
-Sécuriser les agriculteurs et tous les autres acteurs impliqués dans la culture et l’exploitation des céréales et des industries agro-alimentaires connexes.
-Consacrer et moderniser l’idée de l’approche sectorielle au pôle céréalier en y associant les différents acteurs et reformuler les liens entre eux dans le cadre des règles qui encadrent ce métier, et revoir les modalités d’accompagnement fourni par l’Etat afin de construire un modèle de croissance intégré dans le but d’augmenter la production nationale et d’assurer l’équilibre et la protection du marché.
-La modernisation de la céréaliculture algérienne par le développement de technologies agricoles performantes et modernes créatrices d’emplois et de solutions innovantes s’adaptant aux réglementations locales.
-Développement de la culture céréalière dans le sud du pays caractérisée par l’efficacité et la durabilité dans le cadre d’une vision globale de développement des zones sahariennes avec la nécessité de respecter les inter-systèmes qui caractérisent le Sud (chemins, oasis et cultures en coopératives au sein un cadre institutionnel).
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