Malgré les réformes successives et les multiples instruments juridiques auxquels elle est soumise continuellement, la gestion du foncier agricole se cherche toujours un cadre idoine qui permettra à la fois d’optimiser l’exploitation des terres arables et leur préservation contre toute forme de dégradation ou de détournement de leur vocation initiale.
C’est d’ailleurs en tenant compte de cette réalité que le chef de l’Etat, Abdelmadjid Tebboune, a déclaré à l’ouverture des Assises nationales de l’agriculture qu’ «il y a encore des lacunes en matière de terres agricoles ou de la propriété foncière et je souhaite que tous ces problèmes soient définitivement réglés durant l’année en cours. La problématique du foncier remonte à l’époque de la révolution agraire, vers la fin des années 1970, alors qu’aujourd’hui, il y a des exploitants dont il ne reste d’agriculteur que le nom».
L’Etat récupère 68 000 hectares
Le constat vient d’être confirmé par le directeur général de l’ONTA (Office national des terres agricoles), Mohamed-Améziane Lanasri, qui a fait état de pas moins de 68 000 hectares issus des anciennes EAC et EAI (exploitations agricoles collectives et individuelles), donc relevant du domaine privé de l’Etat, inexploités et qui viennent d’être récupérés pour les réattribuer à de nouveaux exploitants ayant une réelle volonté d’investir dans le secteur agricole. Dans le même registre, lors de son intervention ce mercredi matin à la chaîne 3 de la radio nationale, le DG de l’ONTA a avancé le chiffre de pas moins de 5 000 exploitants qui viennent d’être déchus de leur statut de bénéficiaire de concessions agricoles.
Ainsi, depuis l’adoption de la loi 10-03 de 2010 substituant la concession agricole à la jouissance perpétuelle mise en œuvre en 1987 à la faveur de la loi 87-19, le dossier du foncier agricole du domaine privé de l’Etat attribué sous forme de concessions peine à être assaini définitivement, en dépit de tous les décrets d’application mis en œuvre durant ces 10 dernières années.
Outre cette catégorie de terres, totalisant 2,4 millions d’hectares et sur lesquelles quelque 186 000 titres de concession ont été délivrés dans le cadre de la conversion énoncée par la loi de 2010, selon le premier responsable de l’ONTA, ce sont les terres relevant de la propriété privée et qui représentent pas moins de 6 millions d’hectares qui sont au centre des préoccupations des pouvoirs publics. Dans son intervention hier, le chef de l’Etat a en effet appelé à mettre en place des mécanismes et prendre des mesures à même d’inciter les propriétaires à cultiver leurs terres et lutter contre la jachère.
Le sort des constructions illicites sur des terres agricoles
Pour ce qui est de l’épineuse question de détournement des terres agricoles de leur vocation, notamment les cas de constructions illicites, le premier responsable de l’ONTA a été catégorique affirmant « qu’aucune régularisation n’est envisagée », avant d’ajouter que « les cas de ces constructions sont en cours d’étude y compris les bâtiments entrant dans le cadre de l’exploitation agricole, comme les étables par exemple » mais sans préciser pour autant s’il sera procéder à leur démolition.
L’autre catégorie de foncier agricole dont le statut nécessite d’être clarifié est celle des terres archs qui totalisent plus de 20 millions d’hectares, principalement dans les wilayas des Hauts Plateaux, attribuées à des exploitants sans aucun titre juridique alors qu’elles relèvent du domaine privé de l’Etat. A ce propos, le DG de l’ONTA s’est contenté d’affirmer que l’objectif des pouvoirs publics est de faire en sorte « que toutes les terres soient exploitées » sans préciser s’il sera procédé à la régularisation des exploitants actuels ou à la récupération de ces périmètres.
Précédemment, l’agronome spécialiste en pédologie, Saci Belgat, en fin connaisseur du dossier, a estimé que la solution pour les terres archs est avant tout d’ordre « politico-juridique, et il est du ressort strict de l’Etat. Il a bien fallu au sortir de la guerre de libération procéder à des réformes de justice, 60 ans après, les petits pasteurs attendent de l’Etat régulateur un nouvel arbitrage, j’ajoute que ce patrimoine appartient au domaine de l’Etat ».
Mohamed Naïli
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