L’examen du projet de révision du code de commerce, notamment son axe portant la non moins épineuse question de dépénalisation de l’acte de gestion et d’administration, présenté par le ministre de la Justice lors de la réunion de gouvernement du 12 avril dernier, a été d’un grand intérêt pour les chefs d’entreprise du secteur public et autres tutelles administratives étatiques.
Durant la même semaine, le premier responsable du département de la Justice, Abderrachid Tabi, a annoncé, devant les membres du Conseil de la nation, la finalisation de l’avant-projet de loi portant révision du code pénal, notamment le volet relatif à la dépénalisation de l’acte de gestion, qui sera présenté prochainement pour débat au niveau des deux chambres du Parlement.
En procédant ainsi, le gouvernement exprime une volonté palpable d’aller de l’avant dans ce processus qui vise à libérer les volontés et instaurer un climat de confiance permettant aux dirigeants des entreprises publiques et autres cadres de l’Etat de prendre des initiatives sans plus avoir à nourrir des craintes de se retrouver d’un jour à l’autre devant un tribunal pénal pour une décision mal prise ou une simple erreur d’appréciation. Cet état des choses fait que l’épée de Damoclès demeure suspendue au-dessus des têtes des cadres dirigeants, les empêchant d’innover et d’aller vers l’excellence, pourtant ce ne sont pas les compétences qui manquent.
Conscients de l’obstacle majeur que constitue le caractère pénal imprimé à l’acte de gestion, les cadres du secteur public n’ont pas cessé d’appeler depuis de longues années les hautes sphères de l’Etat à reconsidérer leur vision à leur égard, notamment dans l’exercice de leurs fonctions. C’est le cas par exemple de l’Union nationale des entrepreneurs publics (UNEP) qui fait de cette revendication son cheval de bataille depuis sa fondation dans les années 1990, de surcroît une époque marquée par la douloureuse opération dite «mains propres», lancée sous la houlette de l’ancien Premier ministre, Ahmed Ouyahia, à l’effet de laquelle, des dizaines de cadres supérieurs ont été «injustement incarcérés».
Distinguer entre erreur de gestion et acte de corruption
«Le règlement définitif de la question de la dépénalisation de l’acte de gestion demeure, bien évidemment, la dynamique essentielle visant la libération des énergies et des initiatives», a déclaré, il y a plusieurs années déjà, Lakhdar Rekhroukh, du temps où il était à la tête de cette organisation patronale, regroupant les chefs des entreprises publiques.
Si l’UNEP a toujours perçu la dépénalisation de l’acte de gestion comme un facteur qui permettra «la libération des initiatives et la protection des gestionnaires pour leur permettre de s’impliquer davantage dans l’œuvre de renouveau de l’économie nationale porteuse de croissance, de richesse et d’espoir pour la société algérienne», il n’en demeure pas moins que, estimait le premier responsable de l’organisation patronale, il y a quelques années, «les démarches entreprises à ce propos par les pouvoirs publics sont restées au stade de l’approche sans, toutefois, aboutir à l’orthodoxie en la matière».
Il a fallu donc attendre ces trois dernières années pour voir cette volonté exprimée au haut sommet de l’Etat d’en finir avec cette lacune pénalisante au sens réel. Avant de présenter cet axe du code de commerce, visant la dépénalisation de l’acte de gestion, qui vient d’être examiné en conseil du gouvernement, et la révision prochaine du code pénal, plusieurs initiatives et déclarations ont été formulées ces derniers mois dans ce sens. L’appel du chef de l’Etat aux walis et autres hauts cadres de l’Etat en septembre 2021 à s’investir dans la réalisation des missions qui leur sont confiées, tout en les assurant «n’ayez pas peur, la loi vous protège», s’inscrit dans le même registre qui vise à libérer les cadres.
Le chef de l’Etat a, à d’autres occasions, appelé également à faire la distinction entre «des erreurs de gestion et les actes de corruption». Comme vient de le rappeler l’avocat Me Amine Kraouda, dans une déclaration à la presse, «en août 2020, le chef de l’État avait plaidé publiquement pour la dépénalisation de l’acte de gestion». Il a interdit la prise en compte des lettres anonymes et s’est engagé à ce que seuls ceux qui se rendraient coupables d’actes avérés de corruption seront poursuivis.
Pour distinguer entre les erreurs de gestion et les actes avérés de corruption, qui auront toujours un caractère criminel, le magistrat à la retraite Athamnia Khemissi précise qu’«il y a des fautes de gestion dues à une erreur d’appréciation des actes, qui peuvent être des fautes civiles objet uniquement de mesures disciplinaires, mais pas une faute susceptible de qualification pénale».
Enfin, la mise en détention provisoire cette semaine de l’ancien ministre délégué chargé des Micro-entreprises, Nassim Diafat, pour de présumés actes de corruption, atteste en tout cas que «dépénaliser l’acte de gestion» ne veut pas dire lâcher le combat contre ce fléau qu’est la corruption.
Mohamed Naïli
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