Un nouveau classement de risque pays vient d’être établi et publié ce lundi par Allianz Trade où des notes peu reluisantes sont globalement attribuées aux économies africaines.
A l’exception du Botswana, à qui la note BB1 est attribuée, se hissant ainsi parmi les pays suggérés aux entreprises comme destination «sûre» pour l’investissement, tout le continent africain est considéré comme une zone à risque aux termes de ce classement de la filiale du groupe Allianz spécialisée dans l’assurance-crédit pour les entreprises, sur la base de l’évolution de différents indicateurs durant le premier trimestre 2023.
Alors que toutes les analyses prospectives sur les mutations de l’économie mondiale à moyen et long terme misent sur le potentiel que représente le continent africain et requièrent aux entreprises et fonds d’investissement de s’orienter vers l’Afrique et au moment où des puissances économiques mondiales comme la Chine, la France ou la Turquie se disputent des territoires d’implantation économique dans la région, le nouveau classement d’Allianz Trade présente un tableau sombre de la quasi-totalité des pays du continent.
De là, ce sont les paramètres d’évaluation sur lesquels se basent les experts de l’assureur français pour établir ses classements qui prêtent à équivoque, voire sont à remettre en cause. Pour ne citer que le cas de l’Algérie, à qui la peu enviable note de C3 vient d’être attribuée, plusieurs arguments mis en avant par les auteurs dudit classement restent à discuter, pour ne pas dire infondés.
Lorsque Allianz Trade évoque, dans la rubrique «forces et faiblesses» de l’économie algérienne, que «la production de pétrole et de gaz est en déclin, tandis que les installations sont vulnérables aux attaques localisées de groupes terroristes», le constat est loin de refléter la réalité.
D’une part, certes, la production d’hydrocarbures n’enregistre qu’une croissance marginale en volume ces dernières années, comme il ressort du bilan de Sonatrach pour l’année 2022 (2% de croissance en volume par rapport à 2021), mais pas moins de quinze nouvelles découvertes de gisements de gaz et pétrole ont été enregistrées durant l’exercice précédent, ce qui ne fera que renforcer la production à moyen terme, tandis que le groupe pétrolier vient de déployer un programme d’investissement d’envergure de près de 40 milliards de dollars pour la période 2022-2026, dont 5 milliards de dollars ont déjà été réalisés l’année précédente.
Arguments erronés
Pour l’aspect sécuritaire, d’autre part, la filiale de l’assureur français n’avance aucun argument quant à la vulnérabilité des installations de Sonatrach «aux attaques terroristes». En dépit de l’instabilité et des risques sécuritaires dans la région, les installations et infrastructures pétrolières et gazières de l’entreprise publique n’ont jamais fait l’objet d’une attaque ou d’une menace quelconque, depuis l’attaque du site de Tiguentourine, il y a 10 ans.
Outre ces erreurs d’appréciation, le classement d’Allianz Trade semble s’appuyer sur des indicateurs on ne peut plus erronés, lorsqu’il avance, toujours dans le cas de l’Algérie, qu’en 2021 le gaz a représenté 51,7% et le pétrole 42,2% dans la structure des exportations, or avec une moyenne d’un million barils/jour, les exportations pétrolières ont toujours constitué la part majeure des recettes d’exportation et le gaz, compte tenu de son tarif bas sur le marché mondial jusqu’à l’an dernier où il a connu un bond exceptionnel, (passant de 5,2 dollars en 2021 à 11,5 dollars un million BTU en 2022), ne contribue que partiellement aux revenus tirés de l’exportation de produits énergétiques.
D’autres approximations concernant d’autres secteurs et d’autres pays de la région sont à relever dans ce classement, ce qui incite à s’interroger sur les réelles motivations d’Allianz Trade qui n’est d’ailleurs pas à sa première expérience dans ce genre d’ «errements». L’an dernier, la filiale de l’assureur français s’est déjà distinguée en effet avec des prévisions on ne peut plus biaisées sur l’évolution de la situation économique dans les différentes régions du monde à l’ombre de la flambée des prix des matières premières sur le marché mondial conséquemment à la crise entrainée par la guerre en Ukraine.
Dans leur analyse prospective, publiée en juin 2022, les experts d’Allianz Trade mettaient en garde contre « une crise alimentaire (qui) pourrait toucher onze Etats, dont 4 en Afrique, la Tunisie, l’Algérie, l’Egypte et le Nigeria, (car) le prix du blé est désormais supérieur à son niveau de 2012 ».
Près d’une année après, bien que les cours des céréales sur le marché mondial aient atteint des pics exceptionnels, ayant dépassé les 450 dollars/tonne durant l’été dernier et même si que certains pays ont subi des tensions et des pénuries passagères, mais pas au point de plonger dans la crise alimentaire comme le prédisait la firme spécialisée dans l’assurance crédit.
Mohamed Naïli
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