Mr Larbi Ouahmed, PDG de Korex-Novoplast: « Lorsqu’une entreprise coule, c’est un importateur qui en profite.»
DZ-Entreprise : On parle souvent de la situation désastreuse dans laquelle se débat la PME algérienne, on a pensé aujourd’hui regarder la situation de près, à travers les yeux d’un industriel, que pouvez-vous nous dire ?
Mr Larbi Ouahmed : Il faut dire les choses telles qu’elles se présentent ; la PME privée n’est pas soutenue par les pouvoirs publics.
Pour m’expliquer, il suffit juste de rappeler les dégâts provoqués par le Credoc, institué en 2009 comme seul moyen de paiement des importations et qui a carrément mis à genou les entreprises.
La lettre de crédit a même favorisé le fournisseur étranger au détriment de la trésorerie des PME algériennes.
Il va sans dire que ce procédé a affaibli les entreprises, dont certaines ne se sont jamais remises sur pied.
DZ-Entreprise : L’année 2012 a été marquée par une forte poussée inflationniste, quel a été l’impact de cette fièvre sur la PME algérienne ?
Mr Larbi Ouahmed : L’inflation est un phénomène dont la source est multiple. La productivité est liée au salaire, et ce dernier doit être indexé sur la productivité.
C’est dire que la hausse de la masse salariale joue un double rôle pervers ; tirer vers le haut l’inflation, même aussi les charges sociales des entreprises dont la trésorerie est déjà mise à rude épreuve.
La seconde source d’inflation est celle qu’on appelle l’inflation institutionnelle. Celle-ci est liée à toutes les décisions qui sont prises pour revaloriser les salaires ; elle est donc d’origine institutionnelle.
La troisième c’ est le marché informel ; ce phénomène représente aujourd’hui une force économique qui , à mon sens, devrait être canalisée dans certains secteurs, à l’instar de l’agriculture et l’artisanat.
Cependant, avec tous ces problèmes qui touchent de près et de loin l’entreprise, il serait très difficile d’investir dans ce pays.
Les discours que l’on chante dans les salons officiels sur l’entreprise sont très loin de refléter la réalité .
DZ-Entreprise : Cela veut dire qu’il y a eu des coûts supplémentaires qui ont pénalisé l’entreprise algérienne…
Mr Larbi Ouahmed : Nous sommes doublement pénalisés ; l’entreprise peine à supporter les coûts du Credoc, les nouvelles charges sociales induites par les rattrapages salariaux.
Tous ces coûts supplémentaires créent une inflation spécifique qui affecte directement l’entreprise.
Les dommages sociaux, liés souvent aux arrêts de travail et à une trésorerie asséchée, sont la forme la plus désastreuse des conséquences de toutes ces décisions sur l’entreprise.
Les contrecoups directs sur l’entreprise consistent à mettre au frigo tous les projets d’investissement.
Par conséquent, si l’entreprise d’un tel ou tel pays n’est pas sûre ,c’est tout le pays qui n’est pas sûr. Je crois qu’il y a lieu de regarder de près ces phénomènes aux effets pervers qui affecte l’entreprise algérienne.
DZ-Entreprise : Quel serait le poids de la PME face au colosse bancaire algérien ?
Mr Larbi Ouahmed : Les difficultés bancaires sont une autre paire de manches. Le crédit bancaire algérien est l’un des plus inaccessibles.
Ce sont des difficultés que je comprends tout de même, puisqu’elles sont liées à l’absence de formation susceptible de rehausser le niveau d’engagement de nos banquiers. Mais il s’agit, néanmoins, d’une situation qui pénalise lourdement les entreprises de production.
Il va falloir, dans ce domaine, prendre une décision irrévocable de sorte à séparer la gestion bancaire des portefeuilles de l’importation de la gestion des entreprises de production.
La différence est de taille ; l’entreprise de production a des changes, tandis que l’importation ne souffre d’aucune charge.
De ce fait, lorsqu’une entreprise coule, c’est un importateur qui en profite. Les demi-mesures que l’on tente d’apporter à tous ces désagréments ne servent qu’à rajouter une couche d’indifférence face aux problèmes auxquels sont confrontées les PME privées.
Les dispositions incluses dans la loi de finances 2011, à titre d’exemple, et qui portent sur le rééchelonnement des dettes des entreprises causées par le Credoc ne servent qu’à enterrer l’entreprise après l’avoir tuée par l’institution du Credoc.
Je m’explique : cette décision de rééchelonner les dettes causées par le Credoc est conditionnée par une obligation faite à l’entreprise de ne pas investir, confier le mouvement d’affaires totalement à la banque qui prend en charge l’action de rééchelonnement et confier tout le pouvoir d’affaire à cette même banque.
Dans ces conditions, il est imaginable que cette décision de rééchelonnement puisse contribuer à la sauvegarde et au sauvetage de l’entreprise.
C’est scandaleux.
DZ-Entreprise : En définitive, quelle conclusion peut-on en tirer ?
Mr Larbi Ouahmed : La PME est la colonne vertébrale de la croissance économique, qu’on le veuille ou non. Mettre sa survie à la seule appréciation et au seul pouvoir d’un banquier est une grave erreur qui tue les richesses et les emplois.
Je pense qu’à ce propos, il y a lieu de revoir certaines règles prudentielles qui donnent aux banquiers un pouvoir excessif sur l’entreprise.
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