S’il ya une chose sur laquelle tous les acteurs du marché de l’immobilier s’accordent, c’est celle de l’intrusion dans ce secteur de nombreux intervenants non professionnels ou non structurés.
Les « samasris » qui pour la plupart ne sont pas des courtiers influent, de l’avis des professionnels, négativement sur les prix.
D’où l’impossibilité d’avoir une tendance des prix de l’immobilier, par quartier, par ville et par région.
La raison de l’anarchie qui régne dans ce marché trouve son origine dans la difficulté à cadrer cette activité commerciale gangrenée par l’informel. Autant de points évoqués avec M. Abdelkrim Aouidete, président de la fédération nationale des agences immobilières (FNAI) qui dans l’entretien accordé à DZENTREPRISE soutient que l’obligation du paiement par chèques n’a pas aidé à réguler le marché. Bien au contraire.
Depuis le 1er juillet dernier, l’utilisation du chèque est par décret obligatoire pour les transactions immobilières supérieures à 5 millions de dinars. Y a-t-il eu un impact de cette mesure sur le marché immobilier depuis ?
D’abord, il faudrait prendre le marché dans son ensemble.
La mesure dont vous parlez n’est qu’un aspect et une des causes qui rajoute au blocage observé depuis quelque temps et bien avant la promulgation du décret en question.
C’est un élément qui a contribué à freiner les transactions immobilières.
La situation que nous connaissons aujourd’hui est catastrophique et les raisons sont très simples ; à savoir une cherté des prix induite par l’intervention sur le marché de nombreux intermédiaires qui n’ont rien à voir avec la profession et qui font de la spéculation.
Les prix sont devenus inaccessibles par rapport au niveau de vie des Algériens. Les professionnels ont été écartés au point où 80% des transactions se font en dehors du secteur formel.
Le problème des chèques s’est additionné à cela.
Les gens sont plus hésitants car tout le monde sait que le plus gros de l’économie nationale se fait dans l’informel.
Il n’y a pas cette culture de bancarisation et du travail dans la transparence.
Vous voulez dire que les clients ne veulent pas utiliser les chèques car ils ne veulent pas avoir à justifier la provenance de leur argent ?
Pas uniquement.
Il y aussi le problème de la confiance dans les banques qui, elles, ne jouent pas le jeu.
Avec la disposition de la conformité fiscale volontaire, on va, en quelque sorte, vers le blanchiment d’argent en demandant aux gens de payer 7% et de ne pas justifier la provenance de l’argent.
Pourquoi ne pas les laisser simplement déposer et retirer leur argent normalement.
Aujourd’hui, quelqu’un qui veut acheter un appartement et va déposer l’argent à la banque, on va l’interroger sur l’origine.
L’Algérien a peur de cette question.
Si au moins ça se faisait discrètement.
Mais est-ce que les agences immobilières qui sont agréées se conforment à cette disposition ?
L’agent immobilier et le notaire n’ont rien avoir dans cette question.
Notre rôle est très limité, d’autant que les agences immobilières agréées ne représentent que 20% du marché.
Le plus gros se fait à l’extérieur.
Pour pouvoir influer sur la marché, il faut responsabiliser l’agent immobilier et ne pas le bloquer avec des contraintes administratives pendant que les 4/5e du marché se font dans l’informel.
Si on veut accompagner les mesures tendant à bancariser les transactions et aller vers plus de transparence, il faut mettre en place d’autres dispositions qui permettraient de faire passer toutes les transactions immobilières par l’agent immobilier agréé.
[highlight color=”DZE”] DZEntreprise : [/highlight] Mais le notaire peut refuser de traiter un dossier sur la base de l’obligation décrétée…
La disposition en question n’impose rien au notaire.
Tout ce que celui-ci cherche à savoir, c’est si le vendeur a encaissé son argent.
Peu importe la manière.
[box type=”shadow”] [dropcap]A[/dropcap]aujourd’hui, nous avons un parc de 7 millions de logements dont une partie est inoccupée, une partie occupée par les professions libérales et une partie vétuste appelée à disparaitre.
La demande reste importante.
Mais la vraie source du blocage du marché, c’est les spéculateurs.[/box]
[highlight color=”DZE”] DZEntreprise : [/highlight] Vous confirmez donc que les transactions immobilières se font aujourd’hui de la même manière qu’avant la promulgation de la disposition ?
Si l’acheteur et le vendeur se mettent d’accord entre eux.
Il n’est pas dans notre vocation d’agent immobilier de nous immiscer entre eux.
Je dis qu’il faudrait accompagner ces mesures par d’autres dispositions et essayer de mettre en confiance le citoyen si on veut récupérer l’argent qui est en dehors du circuit formel.
Certains professionnels renvoient le blocage du marché aux nouveaux projets AADL et LPP, partagez-vous cet avis ?
En partie oui, mais ça n’influe pas autant que ça car vous savez qu’il y a un déficit dans le parc immobilier et une forte demande.
Il nous faut, selon certaines études, 10 millions de logements destinés à l’habitation.
Or, aujourd’hui, nous avons un parc de 7 millions de logements dont une partie est inoccupée, une partie occupée par les professions libérales et une partie vétuste appelée à disparaitre.
La demande reste importante. Mais la vraie source du blocage du marché, c’est les spéculateurs.
C’est vrai que l’AADL et le LPP ont retiré du marché une bonne partie de la demande mais il reste toujours beaucoup de demandeurs.
Cette tendance est-elle perceptible depuis longtemps ?
Je dirai depuis 2015. Avant cela, une transaction pour un bien immobilier nécessitait une à deux semaines pour être conclue, maintenant c’est trois ou quatre mois.
Pour vendre un bien immobilier, il fallait au maximum un mois pour le placer, avant.
Aujourd’hui, ça prend plus d’une année parce que les gens sont dans l’incapacité d’acheter.
[highlight color=”DZE”] DZEntreprise : [/highlight] Aujourd’hui, que représentent réellement les agences immobilières agréées sur le marché ?
Le décret 09-18 relatif à l’exercice de la profession d’agent immobilier a fait disparaitre 3600 agences immobilières qui ne se sont pas mises en conformité sur 6600 qui étaient recensées, soit à peine 3000 seulement qui ont déposé le dossier d’agrément au niveau du ministère de l’Habitat.
Mais il y a un problème pour celles qui ont eu un avis favorable et qui n’ont pas complété leur démarche.
Sur les 3000 dossiers qui ont été déposés, 2000 ont été traités avec un avis favorable.
Environ 730 agents immobiliers ont récupéré leur agrément, mais environ un millier de dossiers restent en suspens car non complétés.
En 2016, ces agences seront rappelées à l’ordre par le ministère et si elles ne complètent pas leur dossiers, l’avis favorable sera caduc.
Il y a une troisième catégorie dont les dossiers sont encore en cours de traitement.
[highlight color=”DZE”] DZEntreprise : [/highlight] En termes de produits immobiliers traités, cela représente quel volume ?
On ne peut pas le dire avec précision.
Même dans notre fédération qui est structurée, nous ne regroupons pas toutes les agences qui existent sur le territoire.
Nous ne comptons que 60% à peu près.
C’est pour cela que nous souhaiterions organiser notre profession à travers une association en faisant en sorte qu’il y ait obligation pour tous les professionnels d’en faire partie.
C’est la seule manière d’avoir des chiffres fiables et transparents.
[highlight color=”DZE”] DZEntreprise : [/highlight] Pour finir, par quoi passe, selon vous, une sortie de crise pour le marché immobilier ?
Nous avons toujours réclamé auprès des autorités que les transactions immobilières passent par les agents immobiliers.
Ça nous permettra d’en finir avec les spéculateurs et d’influer positivement sur les prix.
Il faudrait aussi taxer les habitations non habitées et, inversement, exonérer de taxes ceux qui louent leurs biens.
Ça permettra d’injecter sur le marché les biens qui étaient jusque là bloqués.
Entretien réalisé par Nadia Arezki
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