Catégorie : Arts & métiers

  • Sonia Messikh :« j’ai fait de ma passion, mon gagne-pain »

    Sonia Messikh :« j’ai fait de ma passion, mon gagne-pain »

    « Mon ambition est de promouvoir la consommation de la confiture bio, sans conservateur, et à base de fruits, d’agrumes, de légumes et, prochainement, d’épices. » Précise d’emblée Sonia Messikh née Guerirem, préparatrice de confiture, résidente à Skikda que nous avons eu l’occasion de rencontrer lors l’exposition artisanale organisée par Sharifa Djardi, à la Bibliothèque communale culturelle Laidi-Boussouf (ex-Bouyala), Skikda

    Sonia Messikh est une femme au foyer âgée de 48 ans, s’est distinguée par la mise en boite et la commercialisation d’une large gamme de confiture, à base de toutes sortes d’aliments, et destinée à une clientèle de Skikda et de Constantine. La confiture pour tous les gouts, toutes les bourses et toutes les rigueurs culinaires. Tel semble le leitmotiv autour duquel s’articule la stratégie marketing de Sonia Messikh.

    « Hormis la confiture à base de citron et de citrouille, que nous consommons régulièrement en famille, les autres variétés  sont préparées sur commande. », tient à préciser notre interlocutrice.

    Et la liste des confitures faites maison  est longue. Sonia Messikh nous cite, en les montrant alignées sur son stand, la classique confiture d’abricot, la confiture à base de mélange d’agrumes (citrons, pamplemousse et orange), la confiture à base de mélange de légumes (citrouille, betterave, carotte), la confiture de pomme, d’ananas, de coing, et de « tchouina » le kumquat.

    La confiture de banane, de courgette, de tomate, de pomme de terre, d’amandes et de noix sont autant de produits dont raffolent les  clients puisque le stock est très vite épuisé. « Je pense que, prochainement, je vais préparer et commercialiser la confiture à base d’épices (le gingembre, la  cannelle et l’anis étoilée). », a annoncé Sonia Messikh, qui pour commercialiser ses produits, a opté pour une page Facebook,« Les gourmandises de Sonia », devenu le lien entre elle et sa clientèle.

    Le prix de la boite de 250 grammes, est variable et ce, dépendamment du contenu et de la saison. « Pour l’exemple, la confiture de fraise est vendue plus cher hors saison. La confiture de citrouille est à 150 DA et la confiture du citron à 200 DA le quart de kilos.», explique Sonia Messikh.

    La confiture c’est aussi une affaire de famille, chez les Messikh. Khaled, l’époux, s’occupe de la pose des étiquettes et des languettes, ainsi que de  la conception des cartes de visite;  Mohammed, le fils, de la livraison et  Nairouz Rania, la fille, de la commercialisation, aidée en cela par une jeune caissière, camarade de classe à l’Université Farah Abdelaziz.

    La préservation de la santé est de mise dans le métier. Sans conservateur, la confiture de Sonia Messikh présente aussi la caractéristique d’être bien stérilisée. « Je tiens beaucoup au volet santé des consommateurs. Pour cela, je stérilise très  bien mes bocaux avant d’y verser la confiture.»

    Zoheir Zaid

  • Hind Chebel :«Je recycle tout ce qui peut l’être »

    Hind Chebel :«Je recycle tout ce qui peut l’être »

    Hind Chebel, âgée de 24 ans, habitant la wilaya de Skikda, fait du recyclage des déchets et des matériaux  une passion. Elle en fait des objets d’art qu’elle commercialise dans toute la région.

    « Je recycle du bois, du plastique, du carton et de la toile de jute, mais je confectionne aussi, des objets domestiques à base  de pierre  et de verre et de la quasi-totalité des matières destinées aux dépotoirs et qui jonchent les ruelles et les chaussées. », A-t-elle indiqué, lors de notre rencontre en marge de l’exposition artisanale, organisée par Sharif Djardi, le 23 février, à la Bibliothèque Laidi-Boussouf, dans la cité de Bouyala  à Skikda, avant de préciser qu’elle «récupère toutes sortes d’objets qui traînent un peu partout, pour en faire d’autres objets utiles.»

    Un objet collecté et une idée sur sa potentielle utilité, et voila qu’un autre objet voit le jour ! Objet qu’elle met sur le marché.

    Hind Chebel, ingénieur en informatique alterne entre le développement des sites Web et le métier d’artisane. « Le matin, je suis informaticienne, et le soir, je fais ce que j’aime, ma passion de toujours, l’artisanat.», se plait-elle à préciser. Enchaînant : « la fabrication d’un produit dure entre une demi-journée et quatre jours.»

    Hind Chebel fabrique, entre autres objets décoratifs, des boites à bijoux, des miroirs en pierre et en bois, des tirelires en carton, des sacs et des portes monnaies en toile de jute, des vases avec des bouteilles recyclées, les portes-bijoux en bois. Objets qu’elle a tous vendus et en préparent d’autres, pour satisfaire une demande qui va s’accroissant. Leurs prix défient, selon elle, toute concurrence. Pour l’exemple: la boite  est cédée à trois cents (300) DA, la tirelire à six cents cinquante (650) DA, le sac à sept cent (700) DA, le porte-bijoux à quatre cent cinquante (450) DA, le miroir en pierre à trois cents (300) DA et celui en bois à cinq cents (500) DA.

    En deux mois d’activité, Hind Chebel, s’est faite une clientèle à Skikda, mais aussi à Constantine  et Annaba. Pour la livraison, elle a le soutien de sa cousine, étudiante en chirurgie dentaire, au niveau de la ville des ponts suspendus, et celui de sa sœur, Yasmine, étudiante en médecine à Annaba, qui elle aussi à la conception d’objets. « La nuit, après les cours, dans ma chambre dans la résidence universitaire d’El Bouni, je peaufine parfois des idées, que nous mettons en pratique, ma sœur et moi, dés que je suis à Skikda, chez nos parents. », a indiqué Yasmine.

    D’ailleurs  cette envie de donner une seconde vie aux objets, amène  Hind et  Yasmine Chebel  à la rénovation des vieux objets, « qui ne sont plus utilisables, mais les gens gardent quand même », précise-t-elle. Poursuivant : « Je ne suis pas contre l’attachement des personnes à leurs vieux trucs, il suffit simplement de donner à ces derniers, une touche de modernité. »

    Zoheir Zaid

     

  • Marché artistique:des produits d’artisanat en guise de cadeaux de fin d’année

    Marché artistique:des produits d’artisanat en guise de cadeaux de fin d’année

    Encourager les entreprises algériennes à acheter les produits d’artisanat en guise de cadeaux de fin  d’année, ou pour une autre occasion, est entre autres objectifs, celui que Mme Ladjouzi Lydia, artiste peintre ,  voudrait voir se concrétiser à travers le marché artistique.  Événement qu’elle a organisé  du 1er au 31 décembre 2018, à l’hôtel Sofitel.

    Elle a d’ailleurs de conclu  un marché avec l’Union Nationale des Entrepreneurs publics (UNEP) pour l’achat de différents produits en Fuhsing. «  Une technique qui consiste à superposer des morceaux de verre, les coller à froid puis les mettre au four, pour au final avoir une seule pièce. La technique est un peu difficile car, il peut y avoir beaucoup de casse mais, l’objet obtenu est magnifique ».Nous explique-t-elle alors que nous visitons ce marché.

    A travers cette exposition, c’est un nouveau regard  qu’elle voudrait voir  porter sur le patrimoine Algérien. « organiser cette exposition, que j’espère  renouveler , vise à mettre en valeur nos produits d’artisanat qui sont de mieux en mieux faits  et dénotent, pour chacun, d’une touche personnelle. Plus de 100 artisans ont pris part à ce marché de fin d’années. Ils sont de différentes spécialités et de plusieurs wilayas comme Boumerdés, Oran, Tizi-Ouzou, Tindouf…nous avons même une artisane qui vient de l’Azerbaïdjan et une autre du Canada. Pour certains, il s’agit de leur première participation mais, d’autres sont déjà habitués à cet événement ».

    Depuis le début de l’exposition, trois groupes, chacun constitué de 25 à 26 artisans, ont proposé aux visiteurs un savoir –faire indéniable. Ils sont artistes peintres sur différents supports comme, les tableaux  le verre l’inox et les bijoux ; maroquiniers, c’est-à-dire qu’ils dessinent et fabriquent différents produits en peau ; d’autres excellent dans la broderie berbère, moderne et classique ; ils sont également céramistes  et maitrisent le processus de fabrication de la conception à la décoration ; il en est aussi qui fabriquent des savons bios, des huiles essentielles et des produits cosmétiques à partir de produits naturels.

    K.M.B

     

     

     

  • « Traiteur Amina »: une affaire familiale pour servir les entreprises

    « Traiteur Amina »: une affaire familiale pour servir les entreprises

    « Ce magasin  nous sert de devanture pour faire connaître ce que nous préparons comme menu», nous explique Mme Draouci Samia, gérante du traiteur Amina, en nous montrant les gratins, quiches, sandwichs, mais également tiramisu et mousse au chocolat, brioches qui garnissent le présentoir «Réaliser des menus différents nous permet de savoir un peu ce qui plait aux clients. Le but final  de notre projet est de réaliser des coffrets  pour  entreprises. Nous sommes tout à fait capables de réussir ce défi.

    Nous disposons de tout ce qu’il faut pour préparer des menus et assurer leur transport jusqu’au destinataire. » précise Mme Draouci en ajoutant  que le projet qu’elle gère est familial. Son fils la seconde pour les achats, la livraison quand cela s’avère nécessaire et  accueille les clients au magasin.

    Se différencier des autres

    Convivialité et bonne humeur. Dés le seuil du laboratoire du « traiteur Amina », on est immédiatement pris dans cette ambiance qui, conjuguée aux bonne effluves des plats qu’on y prépare, vous fait  vous sentir bien. Après l’effervescence des préparatifs du menu du jour et celle des commandes des clients, le calme retombe peu à peu, interrompu de temps à autre par une commande tardive.

    Le laboratoire est reluisant de propreté et tous les ustensiles ont repris leur place.  C’est que Mme Draouci Samia, la  gérante,  tient à ce que tout soit d’une propreté impeccable. Elle veille à ce que tout marche comme il se doit, dans une ambiance plutôt chaleureuse. « Quand l’ambiance est conviviale, tout le monde accomplit son travail efficacement. Je ne voudrais pas que ceux qui travaillent avec moi, le font dans la contrainte, cela ne donne aucun résultat », nous explique Mme Draouci qui munie d’un diplôme en technicien supérieur de la santé,  spécialisée dans les soins néphrologique, s’est convertie  en traiteur.

    Cette conversion, se rappelle Mme Draouci s’est imposée d’elle-même : « nous avions vécu pendant une vingtaine d’années dans plusieurs pays du golfe où mon mari était entraîneur de Hand-bal. Moi-même j’y ai enseigné le français. Durant ces années on réfléchissait à ce que nous allions faire après notre retour définitif au pays. Nous avons envisagé plusieurs projets mais, sommes finalement tombés d’accord sur le concept du traiteur ».

    Un traiteur qui propose des menus aussi variés que possible et surtout, avec une touche qui rappelle le fait maison. «Je dispose encore de beaucoup de recettes que j’ai glané au cours de ces dernières années. Je voudrais me différencier de ceux qui font de la restauration rapide. Il est possible de manger sain  et léger à la fois, comme si on était chez soi ». Dira pour conclure, Mme Draouci qui conclue par préciser que c’est là le défi de son entreprise.

    Yasmine Meddah

  • Ramla Création :«peut importe l’effort, seul le résultat compte»

    Ramla Création :«peut importe l’effort, seul le résultat compte»

    Bakhti Ramla, une créatrice de mode que nous sommes allés rencontrer dans son atelier situé à Bousmail, revient, non sans égrener une dizaine d’anecdotes, sur ce métier qu’elle exercice depuis près de deux décennies. De fil en aiguille, elle raconte comment elle est arrivée à se faire une réputation taillée à la mesure de son talent.

    C’est que cette styliste modéliste qui a fait sa formation dans une école privée et complétée dans une école belge de dessin de mode et de stylisme  touche à tout. Au prêt-à-porter de luxe et au traditionnel qu’elle dit vouloir conjuguer au présent. «Je reste très créative, je ne me limite pas à copier et recopier des modèles. Je garde la forme traditionnelle d’un vêtement et j’essaie d’en faire un vêtement original qui sied à la personne qui va le porter. Je tiens compte de l’âge, de la taille, de la couleur de peau de ma cliente. Tout ne va pas à tout le monde», confie notre interlocutrice qui le jour de notre passage travaillait sur une robe de soirée et un bedroun revisité.

    «J’aime bien tout ce qui excentrique, jouer avec les tissus et les couleurs», cassant même parfois les codes. Car pour cette créatrice de mode, il ne devrait y avoir aucun tabou quand on crée, seul le résultat final compte. «Souvent mes clientes sont sceptiques quand je propose un tissu, une couleur, un jeu de paillettes et de strass, surtout quand la personne est très classique et s’enferme dans des couleurs et des tissus communs. Oser le mélange, l’extravagant surprend parfois, mais le résultat aussi. Le vêtement est classe est original. Ma plus grande satisfaction quand une cliente difficile adhère au modèle que je propose et le porte non sans fierté», fait remarquer Ramla Bakhti dont toute l’enfance a été bercée par la mode puisque sa maman a été mannequin chez un créateur de mode mondialement connu.

    Cet environnement  dont elle en a  gardé énormément de choses développera son côté artistique et l’amène à s’essayer à la peinture. «Je fais parfois des toiles», quelques-unes réalisées pour les besoins d’un concours habillent l’appartement  qui lui sert d’ateliers.

    Un atelier où les choses sont très bien rangées et par lequel de nombreuses apprenties sont passées. «J’ai du mal à trouver les personnes qu’il faut, notre métier demande de la passion, de la patience, de la dextérité et de la précision. Quand ces qualités font défaut, fatalement le rendu est mauvais. Je fais refaire les choses autant de fois que nécessaire, jusqu’à ce que le travail soit parfait. Et ce n’est pas pour plaire à tout le monde. Les apprenties que j’ai eues trouvent que je suis trop exigeante. Elles baissent les bras facilement. D’autant qu’elles arrivent des centres de formation sans aucune base. Il faut tout leur apprendre», regrette Ramla Bakhti  qui désespère de rencontrer des apprenties qui prennent plaisir à faire ce qu’elles font. Comme tous les artisans, elle ne sait plus quoi faire pour motiver et amener les jeunes à aimer un métier ancestral. Un métier qu’elle veut voir valoriser. «Je ne sais pas comment, mais tout le monde doit s’y mettre, on ne doit plus associer nos métiers à l’échec scolaire.» S’en suivra toute une digression sur le sujet avant de revenir sur les projets  à venir. Une boutique de prêt-à- porter ! Voila le rêve et l’objectif de cette artisane qui hésite encore à franchir le pas pour une seule raison : le problème du local. «La location coûte chère. Quand vous trouvez ce qui vous convient, on vous propose un bail de 3 ans au bout duquel une augmentation de loyer n’est jamais exclue. Vous vous retrouvez donc à la case départ, à prospecter, avec le risque de perdre votre clientèle… ».

    L’indisponibilité de petites mains si précieuses dans le monde de la couture est une autre des difficultés qu’elle rencontre. «Pour l’heure, mon cahier des charges est fait selon mes moyens, j’ai des clientes que j’essaie de satisfaire dans les délais. Et le respect des délais est une autre des qualités de mon atelier. Quand nous prenons un engagement, on n’a pas d’autre choix que de le respecter. Une maison de création et de prêt-à- porter suppose un plan de charge très important. On ne peut y aller sans s’y préparer et sérieusement.»

     Et c’est ce que notre interlocutrice fait. Cette  artiste qui puise son inspiration partout, qui joue avec les tissus, les couleurs, les perles et la géométrie n’hésite pas à sillonner Alger et Blida pour faire le tour des marchands de tissus et les merceries pour trouver ce qu’il faut pour un modèle qu’elle a créé pour des clientes qui avec le temps lui ont tout délégué même le choix d’un tissu et d’une couleur. «Parfois, certaines  m’accompagnent, mais elles baissent rapidement les bras. Elles ont fini par comprendre que je ne prends pas un tissu qui ne me parle pas.» Les tissus comme les produits de mercerie et de qualité sont importés, souvent il faut compter avec les ruptures de stock et les mois d’attente. Ce qui amène notre créatrice à acheter un tissu qui lui plait dans la perspective qu’il convienne à une de ses clientes.

    Des coupons  précieusement emballés qui s’empilent sur les étagères de son atelier où nous n’avons pas trouvé de tenues finies. « Je travaille dans les délais, quand une chose est  prête, elle est livrée, c’est pour cela que je n’ai pratiquement rien.» Et le peu qu’il y a, Ramla ne nous autorise pas à le photographier. «Ce sont des tenues qui ne m’appartiennent pas, je ne peux donc pas les dévoiler sans l’autorisation des propriétaires», s’excuse notre interlocutrice qui caresse le rêve d’organiser un jour un défilé de mode. «Pas dans l’immédiat, préparer une collection et un défilé suppose toute une année de travail et des moyens pour le préparer et pour vivre. Vous savez, en couture, plus le vêtement est simple, plus il est difficile à réaliser. Faire par exemple un tailleur classique demande beaucoup de temps et trouver la touche qui en fera un habit chic, élégant et surtout original.» Comme tous les artistes que nous avons rencontrés pour les besoins de nos articles, Ramla Bakhti  souhaite voir émerger une maison de l’artisanat et des traditions où viendront se mesurer les artistes pour en faire l’une des meilleures vitrines du pays et réconcilier les Algériens avec leur patrimoine.

    Sarah Chabi

    Publié in DZEntreprise 33

     

  • Kamel Boulechfar,céramiste:« j’aspire à travailler avec des hôtels »

    Kamel Boulechfar,céramiste:« j’aspire à travailler avec des hôtels »

    Au moment où nous passons devant son stand,  Kamel Boulechfar, la quarantaine accomplie, s’affaire à taquiner avec un pinceau une  jarre  en terre cuite. Quelques secondes et voila que le noir habille entièrement l’ustensile qui va aller rejoindre sur une étagère  une bonne dizaine d’objets que le céramiste a choisi d’exposer à l’occasion d’un  salon dédié à la micro-entreprise.

    Le noir et le blanc ! Voila la touche de Kamel Boulechfar. « C’est ma signature », confie- t-il à une visiteuse visiblement très intéressée par les  abat- jours, « noblesse de la terre et magie de la lumière », commente- t-il quand  option est prise pour  un objet.  Le prix de l’article laisse sans voix la cliente. Elle n’en revient pas ! « Sincèrement, je pensais que c’était bien plus cher », lui fait- elle remarquer. L’occasion pour l’artisan de répliquer non sans humour, « c’est aussi abordable que les produits chinois qui nous envahissent, de meilleure qualité et surtout fait chez nous ».

    La céramique, Kamel Boulechfar l’a connue  il y a plus  de trente ans à Tunis. Originaire de Skikda, il avait, comme de centaines de jeunes de sa génération rallié Tunis pour rejoindre clandestinement l’Europe via l’Italie. « Le destin en a voulu autrement. A court d’argent, il me fallait trouver un travail  pour survivre. J’ai décroché un emploi comme homme à tout faire chez un céramiste. J’ai découvert l’argile, le façonnage et je n’ai plus quitté ce métier, c’était en 1988 ». En 1997, le savoir- faire en poche, il rentre en Algérie  pour s’installer dans sa ville natale  Skikda où il réalise une exposition, il est repéré par un cadre de la chambre des métiers et de l’artisanat qui lui conseille de se doter d’une carte d’artisan.

    Son succès est réel. Il décide alors d’acheter un four qu’il va récupérer en Tunisie. S’ensuit un parcours du combattant pour le dédouaner. Il perdra une année. Un temps qu’il fructifie à sa façon en dénichant les gisements d’argile de la région, notamment à Ain El kechra.  En 2007,  les choses s’enchainent ; les collectivités locales et certaines directions de wilaya, des banques et des clients  le sollicitent pour des cadeaux de fin d’année.

    La commande est importante et les moyens manquent. « J’ai alors eu recours à un microcrédit  non rémunéré. Il était de 400 mille dinars. Mon produit est à 90 % algérien, je fais tout moi-même, le façonnage, l’habillage, seul l’encre que j’utilise pour colorer mes œuvres est importée. »

    Kamel Boulechfar, qui confie à DZEntreprise que les artisans de l’intérieur du pays sont exploités par un réseau qui commercialise leurs produits sur Alger et les grandes villes, souhaite voir une structure réguler le commerce des produits de l’artisanat, « nos produits sont parfois revendus 10 fois le prix, c’est tout simplement injuste ».

    Kamel Boulechfar  souhaite  travailler avec les hôtels qui veulent habiller de touches locales et originales leurs chambres et salons.

    S.C.

     

  • Samir Hamiane designer-céramiste:  « L’artisanat algérien gagnerait à être vendu à l’étranger »

    Samir Hamiane designer-céramiste: « L’artisanat algérien gagnerait à être vendu à l’étranger »

    «A travers mes participations à des expositions à l’étranger, j’ai rencontré des clients qui sont fortement intéressés par l’artisanat Algérien, ces derniers souhaitent acquérir nos produits mais les procédures d’exportation dans notre pays sont couteuses et compliquées » nous a confié  Samir Hamiane désigner céramiste qui a déjà tenté l’expérience de l’export. Cette aventure il nous la raconte alors que nous sommes dans son atelier son atelier sis à Kouba, Alger, pour les besoins d’un article sur l’artisanat algérien.  Tout en nous faisant visiter   son espace de création, où l’on peut admirer une panoplie d’objets artisanaux en céramique, Samir Hamiane revient sur cette expérience dont il ne garde pas que de beaux souvenirs. Répondant favorablement à  une commande d’un client étranger rencontré lors d’une exposition en France, l’artisan était loin de s’imaginer que pour fournir le client il devait faire face à une et mille contraintes administratives  «c’était à Villepinte en France, que j’ai rencontré un saoudien qui a porté un grand intérêt à mes créations au point de passer une commande d’une série d’objets que je me suis mis à réaliser dès mon retour à Alger. Une fois la commande prête à être envoyé je suis confronté à  des procédures douanières, bancaires et transitaires très lentes , compliquées et couteuses . Le coût de la procédure dépasse souvent le profit que la commande génère car nous travaillons avec des particuliers qui sont intéressés par de petites commandes ce qui n’est pas forcément rentable pour un artisan.»Raconte  notre hôte  qui  souhaite voir  des procédures  administratives bancaires  et douanières spécifiques à l’activité d’artisan «un artisan qui exporte une série de vases ou de tapis ne devrait pas subir les mêmes procédures qu’un opérateur économique qui exporte des conteneurs de produits».

    Il ajoute qu’au-delà des difficultés douanières, l’artisan Algérien n’est pas prêt à satisfaire une clientèle étrangère. «Nous ne disposons pas de moyens matériels qui nous permettent de produire en quantité si l’on veut développer l’artisanat algérien dont la contribution à l’économie n’est plus à démontrer il est nécessaire de mettre à notre disposition des zones d’activités qui nous permettent d’enrichir notre production et de crée de l’emploi »

    Ces  pièces représentatives d’une Algérie ancienne comme cet imposant coffre que notre artisan a remis au gout du jour, un objet qui le distingue comme sa création «phare», ce meuble en hêtre recouvert de céramique et incrusté de pierre avec un intérieur capitonné de cuir rappelle le « coffre de la mariée » qu’on pouvait trouver autrefois dans toutes les maisons ont fait le tour des salons de l’artisanat nationaux et étrangers, certains ont même glané des médailles et trophées. Des objets que Samir Hamiane comme des centaines de ses disciples souhaitent voir commercialisé dans toutes les capitales du monde dans des magasins dédiés aux cultures  du monde. Ce serait le couronnement du  long parcours de ce beausariste   de formation, dont la spécialité est décoration volume qui touche à l’architecture, la décoration et l’aménagement. Un artisan dont la carrière a commencé dès son retour en Algérie qu’il a quitté  une fois le diplôme en poche et après une année passée à l’étranger il revient au pays et ouvre son atelier. Il y crée des objets différents les uns des autres mais toujours inspiré de son Alger, de sa Casbah, de son terroir  et réussit à écouler sa marchandise facilement à une époque où le produit artisanal algérien était maitre de son marché, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui avec les produits importés.

    Il accorde une grande importance à léguer son savoir aux nouvelles générations aujourd’hui certains ont leurs propres ateliers nous confie fièrement Samir Hamiane.

    La quête d’originalité et de créativité dans ses réalisations est  sa devise, il y tient particulièrement. Au moment où nous le rencontrons l’heure où nous le rencontrons il se prépare pour participer au salon de l’artisanat de Tunis « en Avril je prendrai part au salon de l’artisanat de Tunis ou j’exposerai une série de mes réalisations notamment ce couscoussier qui s’emboite et qui donne un aspect de sculpture ». Cette pièce lui vaut le premier prix du meilleur artisan Algérien en 2003 lors de sa participation au salon de la valorisation de l’innovation dans l’ameublement (VIA) à l’occasion de l’année de l’Algérie en France.

    D’autres récompense témoignent du talent de notre artisan notamment lors de sa participation à la 36ème foire internationale de Valence en Espagne il se voit attribuer la médaille d’Or « alfa d’Oro »pour une création aussi splendide que le coffre ou le couscoussier qu’on a pu admirer dans son atelier il s’agit du quinquet « je reste fasciné par les objets anciens, je m’inspire d’un patrimoine matériel ancien et je fais en sorte de lui insuffler un air de modernité. » Conclue Samir Hamiane qui ne désespère pas de voir l’artisanat algérien , notamment la céramique vendu dans les plus belles artères du monde.

    DZE.

  • Maroquinerie d’Art : le SOS de Boulacheb Mostapha

    Maroquinerie d’Art : le SOS de Boulacheb Mostapha

    Un outillage de base, quelques fardeaux  de cuir et toutes sortes d’objets posés en vrac, négligemment,  dans le petit atelier de Boulacheb Mostapha, fils de la Casbah et artisan du cuir, pratiquant la maroquinerie depuis son plus jeune âge.

    Un métier auquel il s’accroche, vaille que vaille, en dépit de toutes les contraintes. Heureusement qu’il y a la Casbah, sa ville de tous les jours. Son atelier est situé  dans la basse Casbah à côté du musée des arts et des traditions populaires, «Khedaoudj El Amia». Un lieu où il évolue depuis des décennies. Notre artisan nous accueille dans son «  humble demeure », comme il tient à le préciser d’emblée, un peu comme pour s’excuser de l’état des lieux de cette Casbah qu’il voit dépérir chaque jour un peu plus.

    Il façonne  à la main des sacs, porte- monnaies, ceintures  et  bracelets  en cuir, comme cela se faisait dans le temps dans cette cité qui crie au secours. Une cité dont il nous raconte le quotidien, avant de  raconter son histoire avec ce métier en déperdition. Une réalité qui le chagrine d’autant que la Casbah ne compte plus ses jeunes chômeurs, garçons et filles confondus.  «Comme tous les artisans de la Casbah, notre savoir-faire, nous l’avons acquis comme un héritage. En ce qui me concerne, j’ai longtemps observé mon père et mon grand-père travailler le cuir, je les aidais après l’école sans pour autant songer à en faire mon métier », confie notre hôte  qui  raconte  que le destin en a décidé autrement puisqu’il exerce aujourd’hui ce métier qu’il a reçu en héritage.

    Boulacheb Mostapha fait partie de ces artisans qui ont connu une reconversion professionnelle, «Je me suis consacré au travail du cuir après dix ans passés dans l’enseignement. Ayant souffert des contraintes de ce métier, mon père n’approuvait pas ma décision. Une décision  que j’ai prise en toute conscience  car j’avais des projets pour donner plus de visibilité aux différents travaux artisanaux propres à la Casbah».

    Des ambitions mais beaucoup de contraintes

    Et la maroquinerie  traditionnelle, artisanale, un métier que l’on pensait totalement  disparue,  renaît entre les mains de Boulacheb Mostapha.  «Nous utilisons principalement la basane, une peau de mouton tannée de bonne qualité, pour façonner la façade du sac et d’autres parties. Pour « acheminer »  un sac, il nous faut une  grande quantité jusqu’à 4  bottes de cuir car celle-ci contient souvent des défauts et on en extrait qu’une petite quantité. Les moules me servent à tracer les différentes parties du sac. Il faut ensuite les découper à l’aide de ciseaux pour enfin les assembler. La façade, je la décore avec des morceaux de soie. Les déchets sont récupérés et recollés, je les utilise pour les parties intérieures du sac» pour des finitions parfaites et un travail de haute qualité qui se traduit par des années de pratique. Et c’est aujourd’hui l’une des rares satisfactions  de cet enseignant qui a déserté les classes, la tête pleine de projets.

    Boulacheb Mostapha avait, il y a une trentaine d’années,  proposé au ministère de l’artisanat de mettre à la disposition des artisans une des vieilles maisons de la Casbah où chacun aurait occupé une pièce pour en faire son atelier. «Un lieu où se retrouvent dinandier, menuisier, tourneur de cuivre exerçant ensemble leur métier dans une ambiance créative où les visiteurs peuvent se rendre et prendre connaissance de ce patrimoine qu’on a fait le choix d’honorer malgré les difficultés». Sa doléance est restée lettre morte.

    DZE-Sac

    Et même si, depuis quelques temps, une maison de l’Artisanat a vu le jour, notamment celle de Oued Koreiche , l’artisan se désole qu’une maison similaire ne soit pas installée   au cœur de la Casbah qui devrait être la priorité des priorités tant cette cité est chargé d’art et d’histoire.  «Je ne remets pas en cause le talent des artisans qui occupent ce lieu mais la Casbah est un endroit emblématique et l’artisanat  fait partie de la généalogie de chaque casbadji, elle devrait donc être privilégiée à celui de Oued Koreich dont la réputation est connue de tous », se désole l’artiste avant de revenir sur la déperdition de cet art ancestral qu’est l’art du cuir et que d’autres pays dont le Maroc et la Tunisie ont su sauvegarder.

    C’est le cuir qui manque le plus.

    «Dans quelques années, notre métier n’existera plus car il n’y a plus de relève, le manque de la matière première est alarmant, ce qui nous contraint à ne pas prendre d’apprentis». Notre artisan se plaint d’une situation dont il souffre depuis des années, il nous confie que l’usine de Batna produit toutes sortes de cuir et de bonne qualité mais 70% de sa production est destinée à l’exportation, le reste revient principalement aux producteurs de textile et l’artisan ne figure pas parmi les priorités de ces fabricants.  «Pour régler ce problème qui nous pénalise, nous avons déposé une requête au  niveau du ministère de la culture pour que ces producteurs de cuir consacrent un quota pour les artisans, en vain ! »

    Aujourd’hui Boulacheb Mostapha n’assure plus les commandes des particuliers car il ne dispose pas  de la matière première. «Des particuliers me sollicitent surtout durant la période estivale, ils passent d’importantes commandes car ce sont des produits qui se vendent facilement mais je ne peux toutes les prendre car je n‘ai pas le cuir nécessaire ».

    L’artisanat pour faire revivre la Casbah

    Malgré cette situation décourageante, Boulacheb Mostapha  parle du bonheur que lui procure  son métier. « L’artisanat d’une façon générale n’est pas une impasse dans laquelle on atterrit suite à un échec scolaire, mais un savoir, un savoir-faire, ancré dans nos mains et  imprégné d’une tradition millénaire », soutient notre artisan qui plaide pour une stratégie nationale pour « anoblir » le métier manuel. Car il estime que ce n’est que comme cela que l’on arrivera à le faire aimer à une jeunesse en mal de repères.

    Et la  jeunesse  casabadji, du nom de cette médina, classée patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO depuis 1992, évolue sans même jeter un regard sur le travail des artisans de cette cité que d’aucuns rêvent de voir grouiller de touristes du monde entier. La Casbah est nostalgique d’une époque où les visiteurs se déversaient  dans  ses rues, émerveillés par son architecture et le doigté de ses artisans.         L.A.

    Article paru dans DZENTREPRISE numéro 23

  • Benbrika Brahim, Artisan Bottier: « Il est temps d’anoblir le métier manuel ! »

    Benbrika Brahim, Artisan Bottier: « Il est temps d’anoblir le métier manuel ! »

    L’artisan, tablier bien ajusté,  « bercé »  par le hennissement des chevaux qui ne semblent pas le déranger, travaille sur une pièce de cuir,  au moment où nous franchissons le seuil de l’atelier de Benbrika Brahim.

    Un

    dont les mérites nous ont été vantés par M’Hamed Metidji, président de la fédération algérienne des sports équestres et il n’y a pas un seul jockey  qui ne connaisse pas cet artisan, l’un des rares à exercer encore ce métier.

    C’est donc dans  son atelier, à l’hippodrome  du Caroubier, que nous l’avons rencontré et ce n’est pas seulement  un atelier que nous découvrons, mais un monde où les cavalières prennent forme.  La botte du jockey, telle une œuvre d’art, est construite pièce par pièce.

    Benbrika Brahim interrompt son travail pour nous accueillir. «Travailler le  cuir pour en faire des chaussures est un bonheur quotidien, voilà maintenant 34 ans  que je fais ce métier et c’est toujours une  source infinie de beauté….. », lance, un peu comme pour introduire le sujet, notre hôte qui  ne regrette pas d’avoir remis ses choix en question, dont celui d’abandonner sa formation de vétérinaire pour se tourner vers l’artisanat, «le travail manuel était ma vocation, je ne voulais que donner de mes mains en laissant libre cours à mon esprit». A l’âge de 19 ans, Benbrika Brahim arrête ses études et commence à travailler dans une entreprise privée de fabrication de chaussures. Une chance inouïe car notre artisan est formé à ce métier par deux ouvriers dont le savoir-faire a été acquis à la maison André. «Ces deux ouvriers connaissaient tout de la confection de la chaussure, ils m’ont transmis toutes les bases de ce métier». Il devient alors « demi ouvrier » et part ensuite à l’antique Casbah travailler avec les artisans jusqu’à devenir ouvrier qualifié.

    «Avec l’inauguration du centre équestre de Zemmouri, à Boumerdès, je bénéficie d’un local pour en faire mon premier atelier. Je découvre alors le monde du cheval et commence à m’intéresser à l’harnachement des chevaux». Notre chausseur continue à faire des bottes sur commande pour particuliers mais aussi pour les  cavaliers. Il répare à l’occasion les selles usées, se met à fabriquer des couvertures de chevaux, des « chaps », espèces de bottes  d’entraînement, des guêtres de protection…etc.

    Il se forge alors une réputation dans le milieu équestre, fait ses preuves, son produit n’a rien à envier  à celui  importé. Son portefeuille client s’élargit,  les commandes viennent de tout le territoire national. Les étrangers ne sont pas en reste, comme les cavaliers libyens. Souvent des clients exigent que l’on reproduise un certain style de bottes à l’identique. L’exercice n’est pas difficile pour Benbrika. « Il suffit que je regarde comment cela est fait et je reproduis la pièce telle quelle. L’équipement du jockey est souvent importé et vendu à des prix très élevés, si j’avais l’outillage nécessaire et les conditions idoines, je développerais mon activité davantage», soutient notre interlocuteur qui fait un listing des outils nécessaires pour développer son activité, «  machine à piquer industrielle, machine à parer, une bordeuse, une machine pour les finitions, une presse et le tour est joué. »

     Anoblir le métier manuel

    Une machine à coudre faisant office d’établi, des peaux de cuir  de différentes couleurs, des chutes couvrant le sol et le décor est planté, l’artisan bottier perpétue des gestes, machinalement, mais réfléchis. La passion est évidente. Son travail nous est expliqué dans les moindres détails.  Les étapes de la confection nous permettent de visualiser les techniques de ce métier. «La prise de mesures est l’étape la plus importante. La chaussure doit épouser la forme du pied surtout quand celle-ci est destinée à un jockey, le confort est alors un élément très important. On prend la pointure du cavalier, son tour de mollet et la hauteur de la jambe, on crée un nouveau patron sur lequel on dessine les différentes parties  de la chaussure sur du cuir qui  peut être de chèvre, de vachette et parfois même de lapin. On découpe, à l’aide de patrons, chaque partie de la chaussure» Joignant le geste à la parole, il nous  explique qu’il faut piquer, à la machine à coudre, tous ces morceaux de cuir pour les assembler.

    DZE-Benbrika Brahim

    Des formes qui iront épouser des moules qu’il sort d’un carton dans lequel il y a une grande quantité, chacun est numéroté. Il s’agit de pièces en forme de pied avec des bouts différents (pointus, carrés ou encore ronds) qui serviront à monter les chaussures. «Le moule est la pièce maîtresse d’une chaussure confortable car elle détermine la forme du produit fini. Une fois que la chaussure a trouvé sa forme, on plaque la semelle et on ajuste les dernières finition

    « Si on ne réagit pas, le produit étranger va nous tuer »

    Mais Benbrika Brahim n’est satisfait que lorsque la chaussure est portée par son propriétaire et il y a de quoi. «Le jockey qui a obtenu le grand prix du Président de la République portait les chaussures que je lui avais réalisées pour cette course, cela me flatte même après des années d’exercice».

    Depuis maintenant 4 ans, Benbrika Brahim est à l’hippodrome du Caroubier, dans un espace de travail relativement étroit pour l’unique bottier fabriquant des bottes de course, cette distinction ne le flatte pas pour autant car la relève n’est pas assurée. «Je reçois des commandes de tout le territoire national et même de Tiaret, la ville du cheval, cela témoigne d’un métier, hélas, disparu dans notre pays. Il ne me reste que quelques années d’exercice et mon souhait est de léguer ce savoir concurrencé par un produit étranger», en l’occurrence marocain ! Il nous confie que, durant sa carrière, il a formé des centaines de jeunes qui, malheureusement, n’ont pas accroché ou sont partis chercher la facilité dans les projets Ansej, notamment de transports.

    DZE-Benbrika Brahim (2)

    Un problème qui devrait être résolu par, notamment, l’anoblissement du métier manuel et cela commence dans les centres de formation professionnelle. «Je suis moi-même allé à la recherche d’apprentis bottiers dans ces centres et, à ma surprise, il ne dispensait pas de formation de bottier. Il faut remédier à cela  en commençant par intéresser  les jeunes à cette discipline». Benbrika Brahim en est convaincu, c’est un métier dont on tombe facilement amoureux, surtout quand on a la passion du travail manuel et du cheval.

    Publié dans DZEntreprise numéro 22

     

  • Seddik Benmazid:« C’est aux algériens de sauver le  mobilier traditionnel  »

    Seddik Benmazid:« C’est aux algériens de sauver le mobilier traditionnel »

    Transformer des objets et des meubles en bois rouge en de véritables pièces artistiques, Seddik Benmazid  sait le  faire. Il le fait même très bien ! Voilà plus de 18 ans que cet artiste  dont les œuvres ont été et durant longtemps exposées à l’hôtel Aurassi,  joue avec les palettes, les couleurs et les miniatures pour habiller le bois rouge avec divers motifs dont le graphisme d’enluminure.  Les œuvres témoignent d’une certaine dextérité pour décorer le bois, la céramique et le verre, en combinant même parfois ces trois matériaux que Seddik Benmazid utilise à « satiété » pour métamorphoser des meubles et des objets du quotidien.

    L’artiste, nous l’avons rencontré une première fois dans un  salon de l’artisanat, une seconde au Palais de la culture pour une exposition et une dernière fois  à son magasin, sis aux Sources à Alger, où nous avons eu l’occasion de le voir à l’œuvre dans un minuscule atelier situé au fond de l’atelier situé au fond du magasin où trônent des pièces plus belles les unes que les autres.

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    Il y a des  coffres de l’aroussa  (la mariée), il nous dit qu’ils reviennent  à la mode, des  coffrets à bijoux aux prix très abordables, des étagères qui peuvent très bien compléter des cuisines modernes, des plateaux , des lutrins, des tableaux, des encadrements de glace composés de bois et de mosaïques ainsi que du mobilier de maison.

    Le mobilier de maison, c’est ce qui a le plus attiré notre attention. On profitera d’une belle « gaada » dans le petit salon composé de deux  banquettes, d’une  table basse et d’un coffre de l’Aroussa en guise de table de télévision. Cet ensemble  chaleureux dont le prix avoisine celui d’un salon importé d’Indonésie  occupe un coin du magasin. Nous nous  y sommes installés pour  nous entretenir avec l’artisan qui a transformé  une banale banquette et une meida ordinaire (table basse) en bois rouge  ou en ‘multiplié’ pour réaliser de très belles pièces qui font prendre conscience que le mobilier algérien traditionnel est d’un extrême raffinement quand le travail est bien fait. C’est donc logiquement que la banquette a obtenu le 2ème prix du salon de l’artisanat en 2013.

    DZE-Benmazid-Seddik-3

    Sur les traces de son maître feu Mustapha Bendebbagh.

    « J’essaie d’apporter une touche de modernité sur  des motifs traditionnels sans les dénaturer, je joue avec les formes et les couleurs, de telle sorte que  le mobilier traditionnel plaise à un maximum de personnes dont les jeunes. Je fais en sorte d’offrir une banquette complète avec une tapisserie qui s’accorde aux couleurs et motifs du meuble. Le tissu est fait chez un artisan de Tlemcen, Choukri Benaissa  qui vient d’ailleurs de remporter le 3ème prix du dernier salon de Tlemcen. En travaillant avec les autres artisans, je fais en sorte d’offrir le meilleur produit qui soit. Un produit raffiné !  »   

    Le raffinement, Seddik Benmazid avoue l’avoir  développé auprès de  Mustapha Bendebbagh, le fondateur des arts plastiques en Algérie, décédé à l’âge de 100 ans en 2006. « J’ai eu la chance de côtoyer cet enfant de la casbah, auprès de lui, j’étais boulimique, je voulais tout apprendre, tout prendre et j’ai beaucoup appris. Ce métier, j’ai toujours voulu le faire, je ne me voyais pas faire autre chose, même si pour me préserver des aléas de la vie, j’ai fait une formation en dessin construction métallique …», confie, avec beaucoup d’émotion à l’évocation de  Mustapha Bendebbagh, notre interlocuteur qui s’est installé à son compte, il y a près de 3 ans, après la fermeture de  l’hôtel Aurassi pour travaux. « A quelques choses, malheur  est bon, j’ai exposé de façon permanente près de 15 ans  dans cet hôtel. C’est vrai que mes produits ont séduit beaucoup d’étrangers qui ont séjourné dans l’hôtel, mais mes clients principaux sont mes compatriotes, des Algériens qui ont soif de produits locaux de qualité »

    Se développer et former les jeunes

    Les commandes, l’artisan qui vient de réaliser le mobilier de 2 suites d’un hôtel privé à Ghardaïa,  a du mal à les gérer, faute d’espace et de main d’œuvre. « Il me faut 15 jours à 1 mois pour réaliser une banquette classique, je travaille seul. D’abord pour une question d’espace, mon atelier et très petit, ensuite par manque d’apprentis »

    Comme bon nombre d’artisans, Seddik Benmazid  souhaite voir une maison de l’artisanat réunir, par activité, les artisans d’une ville, et Alger devrait en avoir plusieurs. «  Je veux pouvoir me développer, former les jeunes à ce métier pour qu’ils montent à leur tour leur propre affaire. Nous sommes aujourd’hui à peine 6 artisans dans tout Alger. C’est peu, très peu », regrette Seddik Benmazid qui refuse de se plaindre de manque de matière première que l’on importe, il reconnaît que  les pouvoirs publics font ce qu’ils peuvent pour aider les artisans,  soit par des mesures comme le paiement d’un impôt forfaitaire, soit  par des commandes spécifiques qu’il met le temps et la passion qu’il faut pour les  réaliser. « Surtout quand il s’agit de cadeaux destinés aux étrangers, c’est ma façon de contribuer à donner la meilleure image qui soit de mon pays », conclut notre interlocuteur qui rêve de voir la casbah bercée par les sons des marteaux , des rabots et des cliquetis des machines à coudre des artisans .

     S.A.