Face à une filière internationalisée, quelle rentabilité financière pour l’exportation du ciment made in Algeria ? Récemment dans un communiqué du ministère de l’Industrie et des Mines, avec ses douze cimenteries, GICA qui en 2017 a enregistré une production record de ciment de près de 14 millions tonnes contre 12.6 millions de tonnes en 2016, sa filiale de distribution des matériaux de construction, a effectué une première opération d’exportat1on, portant sur une quantité de 45.000 tonnes, fin avril mais sans mentionner le chiffre d’affaire et le prix de cession de la tonne. Quant à LafargeHolcim Algérie possédant 2 cimenteries à M’Sila et Oggaz, et en partenariat avec le Groupe Souakri Cilas Biskra pour une capacité totale annuelle de 11.5 mT/an et gérant en partenariat avec le GICA la cimenterie SCMI Meftah 1.5 MT/an, a lancée en décembre 2017, la première opération d’exportation a concerné 16.600 tonnes de ciment gris d’une valeur de 600 000 dollars, soit environ 36 dollars la tonne et la dernière opération d’exportation de 8.500 tonnes de ciment gris à destination de l’Afrique de l’Ouest. Dans le prolongement de mes enquêtes sur le phosphate, le fer, le ciment est l’objet de cette présente contribution, pour analyser la réelle rentabilité des exportations
1.Entre 2015/2016, la production mondiale de ciment a représenté 4,6 milliards de tonnes (croissance moyenne annuelle de 6,9 % depuis 2010 avec production de 3,3 milliards de tonnes). Le chiffre d’affaire des quatre plus grands cimentiers par ordre décroissants sont Lafarge-Holcim 23,20 milliards de dollars, Heidelberg pour 15,7 milliards de dollars , Cemex pour 11,57 milliards de dollars , Italcementi pour 4,3 milliards de dollars (racheté par Heidelberg depuis 2016) et Vicat, producteur de ciment, béton, granulats. Groupe cimentier français numéro trois en France, implanté dans 11 pays pour 2,4 milliards de dollars. Selon les statiques internationales de février 2018, chaque seconde dans le monde, sont coulés 146 000 kilos de ciment (compteur), soit 4,6 milliards de tonnes par an. Entre 2014 et 2016, la Chine a produit respectivement 2480 millions de tonnes en 2014 et 2410 en 2016, l’Inde stable durant cette période environ 300 millions de tonnes, les USA 84 à 89, ma Turquie 75 à 72, le Brésil 60 à 68, la Russie 56 à 65, l’Iran 53 à 65, l’Indonésie stable 63 millions de tonnes, la Corée du Sud 55 à 60, le Vietnam 70 à 55 et l’Arabie Saoudite de 61 à 54. Du fait de nouvelles méthodes de construction, les pays développés consomment de moins en moins de ciment, la grande part étant accaparée par les pays émergents qui consomment aujourd’hui 90 % de la production de ciment, contre 65 % au début des années 1990. Le prix de la tonne de ciment en vrac au niveau international fluctue ces dernières années entre 45 et 65 dollars la tonne, fonction du prix de cession du gaz au niveau mondial.
2.Le ciment étant difficile à transporter, les sites de production se situent généralement près des lieux de consommation. Le marché du ciment restant très local, avec une constellation d’oligopoles au niveau mondial contrôlant les circuits de commercialisation en partenariat avec les acteurs locaux et seulement entre 5/10% de la production mondiale est destinée à l’exportation. D’où l’implantation locale de nombreuses cimenteries dépassant les 10 millions de tonnes/an notamment en Afrique tant de grands cimentiers dont l’allemand Heidelberg, la fusion entre le français Lafarge et le Suisse Holcim, l’entreprise chinoise Sinoma International Engineering (investissement d’environ 5 milliards de dollars) pour la construction de nouvelles cimenteries au Cameroun, Ehtiopie, Kenya , Mali, Niger , Nigeria , Sénégal, la Zambie, que des investisseurs privés locaux. Ainsi selon SFI l’homme le plus riche d’Afrique, le Nigérien Aliko Dangote a investi ces dernières années, environ 8 milliards de dollars a produit uniquement pour 2014 plus de 34 millions de tonnes de ciment et prévoit 100 millions de tonnes pour 2020. Ce regain pour le marché local au lieu d’exportation du pays d’origine, s’explique selon les études internationales, compte tenu de la très faible valeur spécifique du ciment, la vente sur des marchés très éloignés du site de production n’étant pas économiquement viable, étant en général considéré que le ciment ne peut être avantageusement délivré au-delà d’une certaine distance critique. Le coût du transport peut même se révéler parfois plus élevé que le prix ex-usine et le recours au cabotage constitue une alternative intéressante, particulièrement dans les cas où le réseau routier est défaillant. Ainsi selon une étude du quotidien le monde.fr <http://monde.fr/>, l’importation du bassin méditerranéen pour arriver au Burkina Faso une tonne de clinker coûte entre 53 et 61 euros impactant le coût de production
3.Qu’en est-il pour l’Algérie ? Les nouvelles unités bénéficiant d’avantages, en plus du prix du gaz bas, de différentes exonérations fiscales et de bonifications bancaires qui constituent en cas d’exportation un transfert indirect vers le pays exportateur, pour avoir une vision objective et voir si une unité est compétitive réellement, il s ‘agit d’élaborer, du point de vue comptable, un compte de surplus en alignant le prix du gaz sur celui du marché internationale et de soustraire tous les avantages financiers et fiscaux. Récemment dans un communiqué du ministère de l’Industrie et des Mines, le groupe GICA qui en 2017 a enregistré une production record de ciment de près de 14 millions tonnes contre 12.6 millions de tonnes en 2016, sa filiale de distribution des matériaux de construction a effectué une première opération d’exportat1on, portant sur une quantité de 45.000 tonnes, fin avril mais sans mentionner le chiffre d’affaire et le prix de cession de la tonne. Si l’on prend le prix de cession final de 40 dollars la tonne, le chiffre d’affaire réalisée est de 1.800.000 dollars restant déduction des charges d’environ 40%, un profit net de 1.080.000 dollars, un montant dérisoire par rapport au 33 milliards de dollars d’exportation en 2017 de Sonatrach. Quant à LafargeHolcim Algérie étant une filiale de LafargeHolcim étant leader dans toutes les régions du monde, employant environ 80 000 collaborateurs dans plus de 80 pays, occupant pour l’Algérie, 5500 collaborateurs (incluant les sous-traitants permanents), possède 2 cimenteries à M’Sila et Oggaz, et en partenariat avec le Groupe Souakri Cilas Biskra pour une capacité totale annuelle de 11.5 mT/an et gère en partenariat avec le GICA la cimenterie SCMI Meftah 1.5 MT/an, elle a lancée en décembre 2017, la première opération d’exportation qui a concerné 16.600 tonnes de ciment gris d’une valeur de 600 000 dollars, soit environ 36 dollars la tonne et la dernière opération d’exportation de 8.500 Tonnes de ciment gris à destination de l’Afrique de l’Ouest. Cette stratégie s’inscrit dans un plan ayant pour objectif d’exporter 2 Millions de Tonnes de ciments et clinkers pour une ambition avoisinant les 5 Millions de Tonnes en 2020. Si l’on prend plusieurs constructions en Afrique, le coût d’une cimenterie entre un et trois millions de tonnes varie entre 200 et 500 millions de dollars, Une exportation de 10 millions de tonnes, et étant optimiste avec un cours de 60 dollars la tonne sortie usine, le chiffre d’affaire ne dépassera pas 500/600 millions de dollars pour un capital social Algérie 100%. Algérie. L’on devra soustraire 40% de coûts fixes (amortissement de l’investissement) et les couts variables y compris le transport. Pour le même volume d’exportation avec un partenaire étranger, il resterait à se partager entre 300 et 360 millions de dollars et restant donc pour le trésor algérien avec la règle des 49/51% entre 150 et 180 millions de dollars. Par ailleurs, les complexes de ciment sont polluants et énergivores, le ciment accaparant les deux tiers du coût de production, posant la problématique des subventions de gaz à ces unités en Algérie. Cela implique de nouvelles techniques pour réduire la consommation électrique. Selon les experts consultés, cette industrie énergivore devra adapter les combustibles choisis en favorisant l’utilisation de déchets et combustibles secondaires, étant une des solutions pour diminuer les coûts et pouvoir supporter une pression sur les prix
4.Selon nos informations, la capacité de production en 2020 si toutes les unités actuelles et celles programmées atteignent la vitesse de croisière, devrait se situer autour de 46 Mt pour une demande estimée à 22 mT, ou nous assistons, du fait des tensions budgétaires, gel de certains projets et avec l’inflation la décroissance de l’auto construction, à un ralentissement de la demande. Or, si le stockage est de longue durée, accroissant les coûts et il y a le risque du refroidissement alors inutilisables pour la construction. Pour ce cas, de nouvelles méthodes de construction au niveau mondial sont en cours économisant le rond à béton, le ciment et l’énergie et selon les experts consultés la seule solution, comme en Allemagne, est d’utiliser le béton pour construire les routes revenant souvent moins cher que le bitume importé. Dans ce cas, au niveau de la Méditerranée existant une surproduction, il est presque impossible d’exporter vers l’Afrique.
Contrairement à certains discours ne reposant sur aucune étude de marché sérieuses, les parts de marché sont déjà pris avec de nombreux complexes en voie de réalisation ou dans certains pays d’Afrique comme le souligne l’enquête du monde.fr <http://monde.fr/>, l’offre risque horizon 2020 de dépasser largement la demande. En Afrique d’importantes unités de production sont mis en place ou en voie de l’être. Je ne citerai que le Bénin, le Burkina Faso, la Cote d’Ivoire, la Gambie, le Ghana, la Guinée, la Guinée –Bissau, le Liberia, le Mali, le Niger, le Nigeria, la Sierra Léone, le Togo, le Sénégal et au niveau du Maghreb la Mauritanie investissant également dans la production du ciment, le Maroc (ce dernier investissant directement dans ce créneau en Afrique à travers ses banques), et la Tunisie sont en excédent.
5.- En conclusion, , la commercialisation du ciment dépend de la croissance de l’économie locale et mondiale dont sa future structure avec la quatrième révolution industrielle qui se met progressivement en place 2018/2030 , avec de nouveaux matériaux de construction économisant le ciment et l’énergie, et également des contraintes de l’important coût de transport, de la concurrence internationale et du management stratégique qui déterminent le coût d’exploitation et le prix de cession final au consommateur. Comme je viens de le rappeler dans un large débat de plus de 30 minutes, à l’occasion de la fête du 1 mai 2018, sur la radio arabophone chaine 1, l’Algérie n’est pas en faillite, pas de sinistrose beaucoup de réalisations entre 2000/2017, mais également des insuffisances et contrairement à certains oiseaux de mauvais augure, mus par le dénigrement gratuit, a toutes les potentilles de relever les défis. Mais malheureusement, certains responsables politiques ou entrepreneurs mus par des intérêts de rente, oublient que la mondialisation est une réalité dans la pratique des affaires internationales. Seul un partenariat gagnant- gagnant avec les firmes qui contrôlent la commercialisation peut favoriser l’exportation du ciment en grande quantité, à l’instar de la filiale Lafarge dont la société mère contrôle une grande part du marché africain. Dans les autres cas, c’est presque une impossibilité en termes de rentabilité réelle,(vente à pertes), sinon des quantités dérisoires et en plus avec des subventions supportées par le trésor public qui constitue indirectement un transfert déguisé de devises. Pour éviter les erreurs du passé, l’Algérie a besoin d’une vision stratégique au sein de laquelle doit s’insérer la politique industrielle (institutions, système financier, fiscal, douanier, domanial, système socio-éducatif, le marché du travail, le foncier ect.) afin de s’adapter aux nouvelles filières mondiales en perpétuelles évolutions poussées par l’innovation. Il y a urgence de s’adapter au nouveau monde en perpétuelle mutation, renvoyant à une nette volonté politique d’accélérer les réformes, donc à un renouveau culturel pas seulement des responsables mais de la société. L’Algérie a toutes les potentialités pour dépasser le statut quo actuel, car il est vain de pénétrer le marché mondial et encore moins la filière ciment contrôlée par quelques firmes internationales sans une alliance stratégique avec ces firmes.
Dr Abderrahmane Mebtoul,Professeur des Universités, expert international. ademmebtoul@gmal.com
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