Alors que le nouvel espace stimule l’intégration régionale : Interrogations sur le règlement des litiges dans le cadre de la Zlecaf
Scrutée de près par les milieux économiques à travers le monde et des institutions de différentes catégories au niveau régional et international, la Zlecaf (Zone de libre-échange continentale africaine) confirme de plus en plus son rôle de pivot central d’un marché intra-africain en devenir. Cependant, au-delà de la levée des barrières tarifaires, des experts spécialisés dans le fonctionnement des sphères économiques requièrent la mise en place d’instruments supplémentaires à même d’assurer le bon fonctionnement de cet espace de libre-échange africain.
Après le FMI, la Banque mondiale et bien d’autres institutions internationales, c’est donc au tour de la Banque africaine de développement (BAD) de mettre en avant les enjeux de ce qui se révèle comme le plus grand espace de libre-échange dans le monde, qu’est la Zlecaf.
En effet, dans l’édition de 2023 de sa Revue annuelle sur l’efficacité de développement (RAED), publiée le 25 mai courant, la plus grande institution financière continentale vient de passer à la loupe différents aspects de la Zlecaf, en revenant sur son processus de mise en place, ses perspectives ainsi que ses atouts pour l’émergence d’une économie régionale intégrée.
Dans son analyse des évolutions enregistrées par le continent au plan économique d’une manière globale, la BAD fait remarquer que, malgré le retard qu’a connu sa mise en œuvre, « le début des échanges dans le cadre de la Zlecaf, le 1er janvier 2021, a fourni un symbole puissant de l’engagement croissant de l’Afrique à s’intégrer », tandis que, au-delà de son rôle pour stimuler les échanges au niveau du continent, ce nouvel espace de libre-échange « offre également une opportunité de promouvoir le développement durable et de lutter contre le changement climatique ».
Quel instrument pour le règlement d’éventuels différends investisseurs-Etats ?
Passant en revue les différentes étapes de son déploiement, le nouveau rapport annuel de la BAD constate des progrès dans « l’opérationnalisation de la Zlecaf ». « En février 2023, tous les pays africains, sauf un (l’Erythrée, ndlr), avaient signé l’accord de la Zlecaf et 46 pays avaient ratifié les instruments établissant la zone de libre-échange, devenant ainsi des Etats parties à l’accord ».
Concernant le contenu de l’accord en question, les analystes de la BAD rappellent dans ledit rapport que « les signataires se sont engagés à supprimer les droits de douane sur 90% des marchandises d’ici à 2030 et sur 7% supplémentaires d’ici à 2035 », et ce, pour un objectif qui consiste à parvenir à « créer un marché continental unique pour les biens et les services, avec libre circulation des personnes et des capitaux, ouvrant ainsi la voie à l’accélération de la mise en place de l’Union douanière continentale et de l’Union douanière africaine ».
Outre le commerce continental, la Zlecaf est également perçue par la BAD comme un levier pour la dynamisation de certains secteurs productifs au sein du continent. « L’expansion des liens commerciaux et économiques en Afrique, facilitée par la Zone de libre-échange continentale africaine et les communautés économiques régionales, stimule les efforts d’industrialisation (…). Il est donc essentiel que les pays africains continuent à mettre en œuvre les engagements de la ZLECAF tout en donnant la priorité au développement des chaînes de valeur industrielles régionales », souligne la RAED 2023.
Au même titre que la mise en place de l’espace de libre-échange lui-même, la BAD relève aussi « des progrès significatifs (qui) ont également été accomplis en ce qui concerne l’opérationnalisation du Fonds d’ajustement de la Zlecaf. Basé au Rwanda et administré par Afreximbank, selon l’accord conclu, ce Fonds est conçu pour aider les Etats membres à faire face aux coûts d’ajustement liés à la mise en œuvre de la Zlecaf ».
Par ailleurs, à l’instar du Fonds d’ajustement en question, d’autres instruments s’avèrent nécessaires à mettre en place pour accompagner le fonctionnement de la Zlecaf, comme les mécanismes de règlement de litiges.
A ce propos, l’expert juridique Mouhamed Kébé, du cabinet Pan-Africain GENI & KEBE, suggère l’anticipation de la mise en place d’un système approprié pour le règlement d’éventuels différends entre opérateurs économiques et les Etats au sein du continent. « Je suis de ceux qui pensent que la Zlecaf devrait être une excellente opportunité pour l’Afrique de mettre en place une juridiction continentale pour traiter les différends issus des relations Etats-Investisseurs au sein du continent », a-t-il déclaré cette semaine au magazine panafricain Afrimag.
Mohamed Naïli
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