Taxe carbone : L’intégration régionale s’impose aux pays africains

Avec des perspectives de plus en plus contraignantes sur le marché mondial, limitant les chances de trouver de nouveaux débouchés pour le produit africain, l’intégration régionale s’impose comme l’ultime alternative pour les économies des pays africains

En effet, après les contraintes liées aux fluctuations des cours des produits de base sur le marché mondial ou celles liées aux barrières douanières, les nouvelles restrictions qui s’apprêtent à entrer en vigueur sur plusieurs marchés au monde dans le cadre de la transition énergétique et la limitation des gaz à effet de serre risquent à leur tour d’entrainer des pertes supplémentaires pour les pays africains.

C’est ce que viennent de démontrer la Fondation africaine pour le climat (ACF) et l’Institut Firoz Lalju pour l’Afrique dans un récent rapport, mettant en garde contre le mécanisme européen d’ajustement carbone aux frontières (MACF) dont l’impact, à son entrée en vigueur, pourrait s’élever à 25 milliards de dollars de préjudice sur le PIB (Produit intérieur brut) du continent africain.

Sous le titre de « Implications for African Countries of a carbon border adjustment mechanism in the EU », (Implications pour les pays africains d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de l’UE), le rapport de l’ACF et l’Institut Firoz Lalju est établi sur la base de deux scénarios ayant permis d’évaluer l’impact du mécanisme européen MACF sur les économies africaines, dont l’entrée en vigueur est prévue pour le mois d’octobre prochain, mais, après une période dite de transition de trois ans, ses effets sur le continent africain seront plus tangibles dès 2026.

Pour rappel, le mécanisme en question, dit aussi dispositif de la taxe carbone européenne, dont l’objectif est de diminuer de 55% les émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2035, vise à instaurer une équité entre les entreprises européennes, soumises à la taxe carbone, et leurs concurrentes de pays hors UE dont les exportations vers le marché communautaire seront soumises à un prix carbone.

Tel que le précisent les rédacteurs du rapport en question, le mécanisme carbone de l’Union européenne vise donc à soumettre les produits importés au même prix carbone imposé aux produits similaires d’origine européenne, et ce, pour endiguer les délocalisations massives auxquelles semblent opter les entreprises européennes pour contourner la taxe carbone en question.

Le ciment, les engrais, l’hydrogène et autres produits concernés par la taxe

Pour évaluer le préjudice de ce nouveau mécanisme carbone européen sur les pays africains, le rapport a basé donc ses pronostics sur deux niveaux de prix différents. Le premier suppose un prix plus bas de 43 dollars/tonne de carbone et le second sur un prix de 93,6 dollars/tonne, qui est « le prix le plus réaliste » précisent les auteurs du rapport.

A un prix de 43 dollars, le mécanisme européen provoquerait donc une baisse de près de 4% des exportations africaines vers l’UE, soit près de 16 milliards de dollars/an, et une contraction de 0,58% du PIB africain. A un prix de 93,6 dollars/tonne de carbone, le mécanisme MACF entrainerait une baisse de 5,75% des exportations africaines vers le marché communautaire, ce qui représente près de 25 milliards de dollars/an et un recul de 0,91% du PIB du continent.

Bien qu’il ne concerne dans sa première étape que sept produits, à savoir, l’acier, l’aluminium, le ciment, l’électricité, les engrais, le fer et l’hydrogène, le mécanisme carbone MACF de l’Union européenne provoquerait déjà un manque à gagner aux économies africaines d’une aussi grande ampleur, sachant que, rappellent les rédacteurs dudit rapport, le marché européen représente 26% des exportations africaines d’engrais, 16% de fer et acier, 12% d’aluminium et ciment ainsi que 33,1% de produits manufacturés.

En conséquence, lorsque le mécanisme sera étendu à tous les produits, et à un niveau de prix estimé à 93,6 dollars/tonne de carbone, les exportations africaines risqueraient de se contracter de 7,13%, avec un manque à gagner qui pourrait s’élever à 31 milliards de dollars.

Dans le cas de l’économie nationale, l’impact du mécanisme européen MACF ne serait pas moindre, lorsque l’on sait qu’avec plus d’un million tonnes/an d’exportations, l’Algérie est actuellement le deuxième fournisseur de l’Europe en ciment, après la Turquie.

A moyen terme, cet impact ne fera que s’accentuer avec le développement du marché d’hydrogène vert et bleu, dont l’Algérie vise l’objectif de devenir un fournisseur clé du marché européen en la matière.

Face à de telles perspectives qui guettent les produits africains sur le marché européen, il n’y a donc que l’intégration régionale entre les différentes économies du continent qui permettrait d’éviter ce manque à gagner, tel que le recommandent sans cesse tous les Etats et institutions du continent.

Ce n’est d’ailleurs pas fortuit si le ministre du Commerce et de la promotion des exportations, Tayeb Zitouni, a insisté la semaine dernière dans la capitale Kényane, Nairobi, sur la nécessité d’accélérer l’activation de la Zlecaf (Zone de libre-échange continentale africaine). Le nouvel espace du libre-échange continental est perçu en effet comme une opportunité aux pays de la région d’augmenter les échanges interafricains de plus de 55%.    

Mohamed Naïli

Les commentaires sont fermés.