Le créneau des systèmes de sécurité et de la protection anti-incendie attire de plus en plus d’investisseurs en Algérie, dont certains ont pour clients la compagnie nationale pétrolière Sonatrach et d’importantes sociétés dans le secteur de l’industrie chimique, pharmaceutique et des promoteurs immobiliers.
Si la ressource humaine existe pour assurer un travail de qualité, le taux d’intégration demeure faible ou limité, en deçà de l’ambition de créer un tissu industriel de sous-traitants locaux en mesure de répondre aux besoins d’un marché en pleine expansion.
Au dernier Salon international des systèmes de sécurité et de la protection anti-incendie, qu’a abrité le Palais des expositions de la Safex (Alger), , c’était le même son de cloche chez les participants.
Présent sur le marché depuis 2008, l’entreprise BK Fire dispose de produits issus du montage local, mais certains composants sont importés, à leur tête les pompes à eau, les accessoires des systèmes de lutte contre les incendies (composants électroniques et sprinklers, …).
Et c’est le cas des autres entreprises exposantes que DZEntreprise a eu à interroger sur le même sujet, à l’exemple de l’opérateur All Building Services qui active dans le domaine depuis deux décennies maintenant, ou encore Aqua Vim ou Wissam Hydro, pour ne citer que ceux-là.
Les représentants d’Aqua Vim, spécialisé dans la conception et le montage de systèmes de pompage, affirment qu’en dehors de la tuyauterie, du châssis, du découpage, du pliage et des travaux de soudure de la tôle, qui assurent un taux d’intégration de 40%, le reste des composants (pompes et moteurs) est importé d’Italie, d’Allemagne et du Portugal.
Tout comme BK Fire, qui a exposé le prototype d’un robot pompier capable d’atteindre des endroits difficiles d’accès, All Building Services a fait de même et propose aussi un drone équipé d’une caméra thermique, explique son patron Iguedad Lyes.
L’entreprise a fait appel au savoir-fait local pour le châssis, la tôle, la peinture et câbles électriques, son responsable évoquant un taux d’intégration de 55%. La caméra et les équipements de communication entrant dans la fabrication de ce drone ou du robot-pompier sont par contre importés, explique encore le dirigeant d’All Building Services.
BK Fire, qui prospecte d’autres marchés que l’Algérie, pour ses produits et solutions, évoque un taux d’intégration situé entre 30 et 80%, sa directrice commerciale, Mme Boukhalfa, explique que les clients exigent des marques internationalement connues pour la qualité et la performance de leurs pompes et certains composants électroniques entrant dans la fabrication des systèmes de pompage et anti-incendie.
L’enjeu de la conformité
Pour pouvoir proposer certains de leurs propres produits innovants, ces entreprises affirment buter sur le problème de la conformité.
«Pour pouvoir commercialiser notre robot-pompier, nous sommes contraints de le certifier en Chine et en France, en dépensant d’importantes sommes d’argent qui pèsent sur notre budget», explique Mme Boukhalfa.
L’exigence de normes inexistantes en Algérie, ajoute-t-elle, demeure
«problématique», faisant référence à des normes comme NFPA 20 (National Fire Protection Association) et UL FM (Underwriters Laboratories et Factory Mutual) ou EN 12845, respectivement américaines et européenne.
C’est la condition sine qua non pour être retenu par des clients exigeants, mais aussi pour pouvoir répondre à des exigences de sécurité très élevés, comme c’est le cas au niveau des sites pétroliers où la sécurité des installations doit être optimale.
Pourtant, l’Algérie dispose d’un organisme spécialement dédié pour ce faire et est membre de plusieurs organisations régionales, continentales et internationales pour la normalisation.
L’Institut algérien de normalisation (IANOR) existe depuis des décennies et travaille dans ce sens, se défend son représentant au Salon international des systèmes de sécurité et de la protection anti-incendie, estimant que c’est surtout l’absence de laboratoires spécialisés accrédités qui poserait problème. Autrement dit, une partie de la solution réside chez Algerac, organisme algérien d’accréditation, estime Kheddam.
Du rôle des sart-up et de l’accompagnement public
Abordé dans son stand, où il organisait sa documentation, Idir Aftis, patron de WST Technologie, une entreprise spécialisée, entre autres, dans les systèmes de vidéosurveillance et la sécurité anti-incendie, évoque plutôt le sujet de l’accompagnement des pouvoirs publics pour fabriquer des équipements de surveillance et de sécurité 100% made in Algeria.
Par accompagnement, Aftis ne fait pas référence aux moyens financiers, mais au foncier où il peut installer un atelier et des mesures encourageant les fabricants locaux de pièces et composants dont il a besoin pour ses produits. «Aujourd’hui encore, nous avons recours à l’importation d’équipements étrangers parce que nous ne disposons pas de la technologie nécessaire pour aller plus vite. Cela nous revient moins cher que de s’équiper ici», explique-t-il.
Chez WST Technologie, présent sur le marché depuis 15 ans, le taux d’intégration ne dépasse pas les 30%. Il se limite aux boîtiers, aux batteries et au câblage, issus de la production locale.
Comment peut-on disposer de produits locaux de qualité et à un prix défiant toute concurrence ?
Le soutien de l’Etat, à lui seul, ne suffit pas. Il y a aussi celui des start-up qui peuvent investir ce créneau pour identifier les besoins de ces entreprises. Mais ce lien ne semble pas encore établi.
Interrogé à ce propos, l’expert Rachid Berakni estime que de manière générale, «nos entreprises adoptent des choix qui ne considèrent pas la formation comme variable dominante dans l’équation de la compétitivité». Ce qui est d’ailleurs le cas pour la formation des agents HSE qui se retrouvent parfois à des postes autres que ceux pour lesquels ils ont été formés et recrutés. Aussi, ajoute Berakni, il y a
«absence ou insuffisance d’associations professionnelles spécialisées dans chaque domaine d’activité», soulignant «la faiblesse du système de réservation des avantages aux entreprises nationales par la préférence nationale». Selon lui, cela n’est pas spécifique aux sociétés activant dans le domaine de la sécurité anti-incendie, mais «touche la globalité du secteur industriel».
Lyès Menacer
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