Ramla Création :«peut importe l’effort, seul le résultat compte»

Bakhti Ramla, une créatrice de mode que nous sommes allés rencontrer dans son atelier situé à Bousmail, revient, non sans égrener une dizaine d’anecdotes, sur ce métier qu’elle exercice depuis près de deux décennies. De fil en aiguille, elle raconte comment elle est arrivée à se faire une réputation taillée à la mesure de son talent.

C’est que cette styliste modéliste qui a fait sa formation dans une école privée et complétée dans une école belge de dessin de mode et de stylisme  touche à tout. Au prêt-à-porter de luxe et au traditionnel qu’elle dit vouloir conjuguer au présent. «Je reste très créative, je ne me limite pas à copier et recopier des modèles. Je garde la forme traditionnelle d’un vêtement et j’essaie d’en faire un vêtement original qui sied à la personne qui va le porter. Je tiens compte de l’âge, de la taille, de la couleur de peau de ma cliente. Tout ne va pas à tout le monde», confie notre interlocutrice qui le jour de notre passage travaillait sur une robe de soirée et un bedroun revisité.

«J’aime bien tout ce qui excentrique, jouer avec les tissus et les couleurs», cassant même parfois les codes. Car pour cette créatrice de mode, il ne devrait y avoir aucun tabou quand on crée, seul le résultat final compte. «Souvent mes clientes sont sceptiques quand je propose un tissu, une couleur, un jeu de paillettes et de strass, surtout quand la personne est très classique et s’enferme dans des couleurs et des tissus communs. Oser le mélange, l’extravagant surprend parfois, mais le résultat aussi. Le vêtement est classe est original. Ma plus grande satisfaction quand une cliente difficile adhère au modèle que je propose et le porte non sans fierté», fait remarquer Ramla Bakhti dont toute l’enfance a été bercée par la mode puisque sa maman a été mannequin chez un créateur de mode mondialement connu.

Cet environnement  dont elle en a  gardé énormément de choses développera son côté artistique et l’amène à s’essayer à la peinture. «Je fais parfois des toiles», quelques-unes réalisées pour les besoins d’un concours habillent l’appartement  qui lui sert d’ateliers.

Un atelier où les choses sont très bien rangées et par lequel de nombreuses apprenties sont passées. «J’ai du mal à trouver les personnes qu’il faut, notre métier demande de la passion, de la patience, de la dextérité et de la précision. Quand ces qualités font défaut, fatalement le rendu est mauvais. Je fais refaire les choses autant de fois que nécessaire, jusqu’à ce que le travail soit parfait. Et ce n’est pas pour plaire à tout le monde. Les apprenties que j’ai eues trouvent que je suis trop exigeante. Elles baissent les bras facilement. D’autant qu’elles arrivent des centres de formation sans aucune base. Il faut tout leur apprendre», regrette Ramla Bakhti  qui désespère de rencontrer des apprenties qui prennent plaisir à faire ce qu’elles font. Comme tous les artisans, elle ne sait plus quoi faire pour motiver et amener les jeunes à aimer un métier ancestral. Un métier qu’elle veut voir valoriser. «Je ne sais pas comment, mais tout le monde doit s’y mettre, on ne doit plus associer nos métiers à l’échec scolaire.» S’en suivra toute une digression sur le sujet avant de revenir sur les projets  à venir. Une boutique de prêt-à- porter ! Voila le rêve et l’objectif de cette artisane qui hésite encore à franchir le pas pour une seule raison : le problème du local. «La location coûte chère. Quand vous trouvez ce qui vous convient, on vous propose un bail de 3 ans au bout duquel une augmentation de loyer n’est jamais exclue. Vous vous retrouvez donc à la case départ, à prospecter, avec le risque de perdre votre clientèle… ».

L’indisponibilité de petites mains si précieuses dans le monde de la couture est une autre des difficultés qu’elle rencontre. «Pour l’heure, mon cahier des charges est fait selon mes moyens, j’ai des clientes que j’essaie de satisfaire dans les délais. Et le respect des délais est une autre des qualités de mon atelier. Quand nous prenons un engagement, on n’a pas d’autre choix que de le respecter. Une maison de création et de prêt-à- porter suppose un plan de charge très important. On ne peut y aller sans s’y préparer et sérieusement.»

 Et c’est ce que notre interlocutrice fait. Cette  artiste qui puise son inspiration partout, qui joue avec les tissus, les couleurs, les perles et la géométrie n’hésite pas à sillonner Alger et Blida pour faire le tour des marchands de tissus et les merceries pour trouver ce qu’il faut pour un modèle qu’elle a créé pour des clientes qui avec le temps lui ont tout délégué même le choix d’un tissu et d’une couleur. «Parfois, certaines  m’accompagnent, mais elles baissent rapidement les bras. Elles ont fini par comprendre que je ne prends pas un tissu qui ne me parle pas.» Les tissus comme les produits de mercerie et de qualité sont importés, souvent il faut compter avec les ruptures de stock et les mois d’attente. Ce qui amène notre créatrice à acheter un tissu qui lui plait dans la perspective qu’il convienne à une de ses clientes.

Des coupons  précieusement emballés qui s’empilent sur les étagères de son atelier où nous n’avons pas trouvé de tenues finies. « Je travaille dans les délais, quand une chose est  prête, elle est livrée, c’est pour cela que je n’ai pratiquement rien.» Et le peu qu’il y a, Ramla ne nous autorise pas à le photographier. «Ce sont des tenues qui ne m’appartiennent pas, je ne peux donc pas les dévoiler sans l’autorisation des propriétaires», s’excuse notre interlocutrice qui caresse le rêve d’organiser un jour un défilé de mode. «Pas dans l’immédiat, préparer une collection et un défilé suppose toute une année de travail et des moyens pour le préparer et pour vivre. Vous savez, en couture, plus le vêtement est simple, plus il est difficile à réaliser. Faire par exemple un tailleur classique demande beaucoup de temps et trouver la touche qui en fera un habit chic, élégant et surtout original.» Comme tous les artistes que nous avons rencontrés pour les besoins de nos articles, Ramla Bakhti  souhaite voir émerger une maison de l’artisanat et des traditions où viendront se mesurer les artistes pour en faire l’une des meilleures vitrines du pays et réconcilier les Algériens avec leur patrimoine.

Sarah Chabi

Publié in DZEntreprise 33

 

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