L’Etat doit en priorité relancer la machine de l’investissement dans le pays et redonner la confiance, impactée notamment par «la diabolisation de nos investisseurs qui vivent actuellement dans une atmosphère morose», recommande l’analyste politique et économique Mahfoud Kaoubi.
Lors de son passage à l’émission l’«Invité de la rédaction» de la Chaine 3 de la Radio nationale, a tenu à rappeler que depuis 2019 les entreprises algériennes payent lourdement les conséquences d’une série d’incertitudes induites par la crise économique et sanitaire, mais aussi et surtout par les poursuites judiciaires engagées à l’encontre de nombreux hommes d’affaires, dont on n’ a pas respecté le droit à la présomption d’innocence en divulguant des secrets de l’instruction.
Mahfoud Kaoubi estime qu’il est temps « d’arrêter de diaboliser les hommes d’affaires, traiter les affaires de justice dans leur contexte et non pas dans un contexte médiatique qui ne fait que donner la priorité à une information qui est souvent non vérifiée. Les affaires de justice se traitent dans les tribunaux et non pas sur les plateaux de télévision».
Et il n’est pas le seul à déplorer la surmédiatisation des affaires de justice «grâce» à la divulgation, à dessein ou pas, des secrets de l’instruction.
Une situation qui a amené le collectif des avocats d’Amor Benamor à prendre la décision de saisir le parquet général près de la Cour d’Alger à «l’effet d’ouvrir une information judiciaire ayant trait à la fuite d’informations relevant du secret de l’instruction judiciaire en cours du dossier Benamor», selon un communiqué rendu public par le collectif.
Une décision motivée par les écrits tendancieux, soulignent les avocats, qui affirment que «des médias ont livré à l’opinion publique des accusations mensongères, les érigeant en vérité absolue et que la justice n’a pas encore établies». Dans leur communiqué ils mettent en exergue le non-respect des lois de la République et citent les violations du principe de la présomption d’innocence, l’article 147 du code pénal qui interdit tout écrit ou acte visant à influencer le cours de la justice, et les règles de déontologie et d’éthique régissant la profession de journaliste.
Un point de vue que partage l’invité de la rédaction, qui fait remarquer que «nous sommes une société où la rumeur pèse énormément et où l’incertitude pourrait donner lieu à des situations très complexes comme c’est les cas aujourd’hui».
Pour Mahfoud Kaoubi, «les poursuites judiciaires à l’encontre des chefs d’entreprises ont été faites d’une manière très médiatisée, ce qui a impacté le moral de tout le monde», de ce fait l’Etat est appelé en urgence «à rendre cette confiance à nos investisseurs, notamment en ces moments de crise financière et économique», convaincu que «sans la mobilisation des ressources à l’intérieur et à l’extérieur du pays on ne pourra pas espérer une reprise de l’investissement».
Sur une question relative à la dépénalisation de l’acte de gestion, Mahfoud Kaoubi a expliqué que «le problème de la dépénalisation a été réglé depuis plus d’une année et demi. Sauf que le problème réel se trouve actuellement au niveau de l’administration algérienne, qui a besoin d’une vraie révolution et non pas d’une simple réforme. Nous avons une administration qui vit pour elle-même».
Il a ainsi, appelé l’Etat «à protéger ses agents. Ils ne doivent pas être livrés à la justice de manière injuste comme cela a été le cas dans plusieurs situations. On ne gouverne pas par la peur et on n’administre pas par la réticence. On veut des responsables compétents et honnêtes et surtout des responsables qui prennent des décisions».
S’exprimant sur le plan d’action du gouvernement présenté devant les membres de l’Assemblée populaire nationale (APN), Mahfoud Kaoubi a indiqué que sans professionnalisme dans la pratique politique et la gestion, «nous allons retomber sur les mêmes résultats négatifs constatés lors d’expériences antérieures». «Sans compétence nous aurons perdu la bataille de la légitimé auprès de la société et celle de la qualité des choix techniques dont dépendent les résultats futurs sur les plans économique et social», estime-t-il.
Mahfoud Kaoubi a par ailleurs recommandé d’aller dans le détail et donner un contenu réel et pratique aux réformes. A titre d’exemple en termes de financement, l’expert a préconisé de «prioriser» l’investissement, relevant que «jusque-là, nous avons soutenu la consommation sans donner l’importance nécessaire à l’investissement qui peut créer de la richesse et régler les problèmes de la société algérienne à moyen terme. Il y a des choix à faire, difficiles, parfois amères, mais nécessaires».
Nacima Benarab
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