M. Abdelali DERRAR, directeur de l’Institut supérieur d’assurances et de gestion (INSAG).
DZEntreprise : Le Conseil national des assurances a indiqué récemment, dans un rapport évaluatif des résultats du secteur en 2012, que le chiffre d’affaires des compagnies d’assurances a augmenté de 11%, se situant à 95,7 milliards de dinars à la fin de l’exercice écoulé, quelle lecture pouvez-vous en faire ?
M. Abdelali DERRAR : Il faut dire que malgré cette légère hausse par rapport à la croissance du secteur durant les années précédentes, le marché des assurances en Algérie stagne autour d’une fragile croissance et des produits traditionnellement connus. Il y a donc un énorme travail à faire. Cela s’avère inéluctable. Car, il faut bien choisir les mots, le secteur mérite une croissance annuelle meilleure que celle que nous observons actuellement.
Le potentiel est là. Mais il est sous-exploité. Autre fragilité : le chiffre d’affaires actuel du secteur est tiré essentiellement de la branche automobile, qui représente 50 à 70% du portefeuille des compagnies d’assurances.
Cela signifie clairement que c’est grâce à la branche automobile qu’une bonne partie des compagnies d’assurances continuent à fonctionner. Il ne faut pas avoir peur des mots.
Le constat est là. Il faut juste savoir le dire par les mots qu’il faut. Comparée au vrai potentiel du marché, il faut dire que la performance du secteur des assurances, remise au goût du jour par les derniers chiffres du CNA, est nulle.
La contribution de sa taille et de ses recettes au PIB national (produit intérieur brut) est inférieure à 1%.
En économie, un secteur qui ne croit pas et/ou qui stagne est un secteur en faillite. Je vais encore plus loin si vous le permettez. Si demain, toutes les compagnies d’assurance devaient rembourser dans l’année tous les sinistres, elles feraient inévitablement faillite. L’Etat aurait besoin de les recapitaliser.
Il faut donc regarder les choses en face et arrêter de se cacher autour de ces petites croissances qui sont loin de refléter le vrai potentiel du marché.
DZEntreprise : Qu’est ce qui fait, d’après vous, que le secteur ne croit pas à sa vitesse appropriée ? Quelles sont, en d’autres termes, les carences sur lesquelles butent les tentatives de bonne évolution ?
M. Abdelali DERRAR : On ne cesse de nous faire croire depuis quelque temps que l’Algérien manque d’une vraie culture assurancielle. Autrement dit, on nous fait croire à tort que l’Algérie perçoit l’assurance comme étant un impôt. C’est une fausse lecture, à mon avis, qui est usitée pour justifier le peu d’engouement constaté aux produits d’assurance.
Car, en vérité, cet engouement dépend aussi de la stratégie de marketing et de communications des compagnies qui ne s’investissent pas suffisamment dans ce créneau, pourtant indispensable pour faire connaître l’utilité et l’importance de l’assurance dans la vie quotidienne des Algériens.
Je vous donne le simple exemple des assurances de personnes qui sont obligatoires.
Depuis la séparation de ces assurances de personnes de l’assurance dommage, rien n’est encore fait par les compagnies d’assurances pour mieux vendre cette police d’assurance, du moins les compagnies qui ont réussi jusqu’ici à faire émerger des filiales spécialisées dans l’assurance personnes, conformément aux dernières directives du ministère des Finances.
Globalement, je dirai que le citoyen algérien n’est pas suffisamment informé sur les produits d’assurances, sur ses obligations et ses droits dans ce domaine. C’est pourquoi, il n’est pas normal que le marché des assurances en Algérie enregistre une croissance de seulement 6% en 2011 et de 11% en 2012, alors qu’elle doit être supérieure à 20% d’après les spécialistes.
Pour remédier à cette situation qui ne sert aucunement le marché, les compagnies d’assurance doivent s’investir encore davantage dans l’innovation, les nouveaux systèmes de gouvernance ainsi que dans les opérations de marketing et de communication. Il faut, à mon avis, réformer le secteur de fond en comble.
Il faut revoir, en premier lieu, le fonctionnement des compagnies d’assurances, notamment les entreprises publiques ; car le modèle de gouvernance actuellement en vigueur est archaïque. Sur le plan organisationnel, il est facilement constatable que le secteur reste depuis quelques années figé.
DZEntreprise : Le manque de l’innovation dont vous parlez est-il lié à une carence invoquant l’absence de compétences nécessaires et donc d’une bonne formation aux métiers des assurances en Algérie ?
M. Abdelali DERRAR : Il convient de reconnaître l’existence au sein même de certaines compagnies de compétences dormantes. Souvent, ces compétences ne disposent pas de moyens et d’opportunités qui leur permettent de s’épanouir au sein même de leurs compagnies.
Ces compétences ont besoin de faire connaître et de faire entendre leurs réflexions.
Mais il ne faut pas tout de même occulter une autre réalité qui consiste à dire qu’il y a bel et bien insuffisance de compétence sur le marché des assurances en Algérie.
Il y a donc un besoin réel de formation et avec un meilleur encadrement possible car les techniques et les connaissances dans ce domaine ont beaucoup évolué dans le monde.
Il faut préciser que le secteur a besoin, plutôt, d’une formation multidisciplinaire également, car le marché demande des compétences en marketing, en management et en communication à titre d’exemple, lesquelles disciplines sont quasi-inexistantes sur le marché et au niveau de plusieurs compagnies.
L’urgence suppose que l’on mette en valeur ces compétences dormantes, libérer les initiatives et assurer les formations adéquates d’une façon structurée suivant les besoins réels du marché.
DZEntreprise : Que fait votre école en matière de formation et comment contribue-t-elle à solutionner l’insuffisance en formation ?
M. Abdelali DERRAR : L’INSAG est un élément dans le puzzle du marché des assurances et de la formation. C’est une école qui apporte ses services pour les compagnies pour former des cadres supérieurs et moyens.
Nous offrons des formations diplômantes et qualifiantes dans les différentes disciplines du secteur, dans les techniques des assurances, le droit des assurances et dans le management opérationnel.
L’INSAG offre également des formations de recyclage pour les cadres des compagnies d’assurances, mais la plupart de nos candidats viennent à titre personnel.
Nous avons annuellement une trentaine de diplômés qui sortent de notre école après avoir acquis des connaissances nouvelles et approfondies.
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