Malgré ses 345 entreprises dépassant 1 milliard USD/an de CA : les économies africaines pénalisées par leur fragmentation

Considérée comme une alternative stratégique pour la relance de l’économie africaine, la Zlecaf (Zone de libre-échange continentale africaine) peine encore à se mettre en place d’une manière effective. Pendant ce temps, les économies du continent continuent de subir les effets des fluctuations du marché mondial et le commerce intra-africain demeure otage d’embûches bureaucratiques, de droits de douanes contraignants, du manque d’harmonisation fiscale et tant d’autres obstacles.

Le constat vient d’être dressé par des chefs d’entreprise, des responsables politiques et des membres de centres de recherche et spécialistes en politiques de développement qui se sont penchés sur les économies africaines.

« Notre banque opère dans une trentaine de pays africians avec autant de régulateurs différents. Chaque pays a ses propres lois, c’est très complexe. Et il faut ajouter les directives des différentes banques centrales et certaines règles internationales de finance», a déclaré récemment le PDG de la banque panafricaine Ecobank, Jeremy Awori, lors du forum Africa CEO organisé dans la capitale ivorienne, Abijan, repris par l’AFP.

Abondant dans le même sens, le secrétaire général de la Zlecaf, Wamkele Mene, estime, à juste titre, que «la fragmentation de notre continent s’est aggravée ces dernières décennies et chaque activité africaine a été négativement affectée par cette fragmentation», citant comme exemple éloquent «des sociétés ayant des filiales au Rwanda et en République démocratique du Congo, distantes d’une vingtaine de kilomètres seulement mais qui sont contraintes de passer par une banque new-yorkaise pour faire des transferts d’argent».

Pour en finir avec cette forme de dispersion du potentiel économique de l’Afrique, le SG de la Zlecaf réitère son appel : «Nous devons créer un marché unique pour tous nos pays, faire tomber les barrières et créer un cadre réglementaire harmonisé.»

Pour sa part, le directeur des ports et terminaux au sein de l’entreprise Africa Global Logistics, Olivier de Noray, rappelle que «le commerce intra-africain doit se développer, il ne représente que 20% des volumes d’échanges aujourd’hui. Le marché commun est un outil très important».

Pour y parvenir, l’accent a été mis sur la nécessité d’«accélérer l’émergence d’une génération de champions africains». Pour ce faire, ce ne sont pourtant pas les potentialités qui manquent, lorsque l’on sait que, ont rappelé les participants au forum d’Abijan, que pas moins de 345 entreprises économiques dépassant un milliard de dollars de chiffre d’affaires annuellement ont été recensées à travers l’Afrique, dépassant ainsi l’Amérique latine, n’ayant que 210 ou l’Inde avec 170.

Les droits de douane dépassent 50% de la valeur de certains produits

Mais les lacunes de l’économie africaine résident dans sa dynamique, puisque le nombre de ces entreprises est en recul de 6% depuis 2015, alors qu’il a progressé de 30% en Amérique latine et en Inde, a-t-il été fait remarquer sur la base d’études du FMI et de la Banque mondiale.

Pendant que la mise en place d’un marché commun traîne le pas, les entreprises du continent subissent le fardeau des droits de douane, dépassant 50% de la valeur de certains produits et représentant une part importante des recettes fiscales de plusieurs pays.

En plus des droits de douanes, les barrières non tarifaires, comme les démarches administratives multiples pour l’exécution d’une opération d’exportation vers un pays africain et les longues attentes des produits aux frontières aggravent la situation et démotivent les entreprises du continent. Pourtant, comme vient de le rappeler le directeur général de la Société financière internationale (IFC), Makthar Diop, «nous ne pouvons pas continuer d’être dépendants, notamment des importations de produits agricoles».

Pour mieux illustrer le marasme que subissent les entreprises africaines lorsqu’il s’agit d’effectuer une opération d’exportation, une étude à travers laquelle l’Union africaine a constaté que «l’expédition d’un véhicule du Japon vers la Côte d’Ivoire coûtait trois fois moins cher que l’expédition du même véhicule de la Côte d’Ivoire vers l’Ethiopie» a été citée lors du forum Africa CEO.

R.N

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