Les résultats du premier recensement économique mené en 2011 par l’Office national des statiques (ONS) indiquent que 95% des entités économiques sont de type « personne physique » et uniquement 5% ont un statut de personne morale.
Ces micro- entités, généralement à caractère familial, exercent pour 56% dans le commerce, 20% dans les services, 10% dans les industries manufacturières, essentiellement dans le textile et l’industrie alimentaire. 97.8% de ces entités emploient moins de 9 personnes et 94.6 %, réalisent un chiffre d’affaires inférieur à 20 millions de dinars.
Une infime partie arrive à atteindre un chiffre d’affaires supérieur à deux milliards de dinars.
Les entreprises qui activent dans les industries de pointe, dans l’innovation et les nouvelles technologies sont rares.
Le nombre des PME ne dépasse guère les 600 000 entreprises. Le nombre des PME au Maroc est de 1 200 000. Selon l’indicateur nombre des PME/1.000 habitants, l’Algérie a un taux moyen compris entre 13 et 16 PME pour 1000 habitants, le Maroc: 33, la moyenne généralement admise est de 45 ; en Tchéquie, par exemple, le taux est de 89 PME/ 1000 habitants. Pour être au niveau maghrébin, l’Algérie devrait détenir plus 1 500 000 PME.
A première vue, cette structure du tissu industriel est inquiétante. Mais avant de porter un jugement voyons quelles sont les caractéristiques du tissu industriel dans les pays développés ?
Dans l’Union européenne, 60% des entreprises sont de type familial et constituent le gros des PME. Le nombre des PME dépasse les 23 millions. Ces entreprises emploient 75 millions de salariés et participent à plus de 58% dans le chiffre d’affaires de l’Union.
La commission européenne considère les PME comme « un pilier » de l’économie, le moteur de la croissance et de la création des emplois. Aussi, un intérêt particulier est accordé aux PME. Des mesures visant l’épanouissement de ces entreprises sont décidées par la commission, suivies et évaluées en permanence.
En outre, la création d’un climat des affaires favorable à la modernisation des PME, par l’initiation des dirigeants aux techniques de gestion d’entreprise, l’introduction des outils de management des plus récents, la qualité de la formation de la main- d’oeuvre, l’orientation vers l’innovation, l’existence de réseaux pour faciliter l’intégration de nouvelles entreprises.
Tous ces instruments, entre autres, font que la PME de l’Union trouve un terrain favorable pour bien faire son métier, être performante, fabriquant un produit de qualité, assurant ainsi les conditions de sa pérennité et de la croissance.
La prédominance du caractère familial de l’entreprise algérienne est-il un atout ou un handicap pour le développement et la croissance du pays? Sachant, par ailleurs, que toute stratégie économique visant la modernisation économique, la croissance et la création des emplois est intimement liée au dynamisme et à l’esprit d’innovation des dirigeants d’entreprises.
Des études ont démontré que le comportement managérial d’un dirigeant est influencé par sa culture, son parcours professionnel, sa qualification et principalement par ses motivations et ses qualités personnelles.
Le profil du manager d’une entreprise familiale.
Quel est le profil type du créateur d’entreprise, du promoteur ou du manager d’une entreprise familiale ?
Certaines caractéristiques et habitudes de gestion spécifiques à l’entreprise familiale militent en sa faveur. En effet la gestion d’une entreprise familiale accorde un intérêt particulier au patrimoine, facteur de sauvegarde de la pérennité de l’activité. Ce type d’entreprise est connu par une stabilité dans la direction, une gestion prudente, peu d’endettement, pas de gros risques.
Mais, ces entreprises, à quelques exceptions près, ne sont pas attirées par des solutions innovantes, par de nouvelles méthodes de gestion ou le recours au recrutement des compétences externes au cercle familial.
Les spécialistes du management (Smith. N, Laufer, Filion…) qualifient ce type de comportement de comportement « d’entrepreneur artisan » par opposition à l’entrepreneur opportuniste (au sens positif du terme : quelqu’un qui possède des aptitudes à saisir les opportunités d’affaires produites par le marché).
Conséquences de cette approche, l’entreprise est de taille assez limitée, vulnérable, ne peut faire face aux grands changements du marché et suivre les évolutions techniques et technologiques. Le souci majeur de ce chef d’entreprise est de s’assurer un revenu et une bonne transmission du patrimoine à ses enfants.
Les profils PIC et PAC des dirigeants.
Le premier type a été désigné par les termes PIC, (Pérennité, Indépendance, Croissance).
Le souci principal de ce créateur d’entreprise ou gestionnaire est d’assurer la pérennité de son entreprise en s’appuyant sur un patrimoine qui représente son avenir et celui de ses enfants.
Pour préserver ce patrimoine, le PIC estime qu’il doit demeurer indépendant vis-à-vis des banques ou des associés. Il préfère l’autofinancement. Il estime qu’un patrimoine propre, géré par lui-même lui garantira la croissance et la pérennité de l’activité.
En général, ce comportement provient des techniciens qui donnent la prépondérance aux aspects techniques de production, la vision stratégique, l’appui sur des opportunités externes et la gestion sont secondaires, pas d’analyse de marché et de son évolution, de petits contrats, essentiellement des contrats de fidélité clients et fournisseurs. Exemple de petites entreprises ou atelier de la petite industrie ou du BTP.
Par contre, Le profil CAP (Croissance forte, Autonomie, Pérennité faible) caractérise un manager qui cherche les opportunités proposées par le marché.
Il n’est pas lié à son patrimoine, il peut, s’il constate que d’autres activités son plus rentables, changer d’activité. Il a une capacité de s’adapter aux évolutions du marché et de l’environnement.
Le manager, profil CAP cherche une autonomie de gestion et les meilleures possibilités pour rentabiliser son capital. Il accorde de l’importance à la fonction commerciale et au développement des ressources humaines.
Le patron d’une PME est confronté en permanence à trois soucis majeurs ; assurer un revenu confortable à la famille, veiller à la rentabilité de l’entreprise, être présent dans son environnement pour influer sur les événements (Bauer le qualifie d’homme à trois têtes).
Il est évident que la structure du tissu industriel algérien est inadaptée aux ambitions de croissance, de création d’emplois et de réduction des importations et ne peut en son état actuel constituer un « pilier » du développement du pays.
L’esprit d’entrepreneur technicien est prédominant. La gestion de l’entreprise demeure confinée dans le cercle familiale, l’appel aux collaborateurs compétents externes est très réduit, l’introduction de techniques modernes de gestion et la recherche de l’innovation sont rares.
La formation du personnel et une politique de ressources humaines basées sur la performance et une gestion de carrière ne constitue pas le souci majeur d’un dirigeant de type « artisan ».
Mais il convient aussi de le signaler que l’activité économique du pays connait un regain de dynamisme grâce à des entreprises privées qui ont su s’adapter aux conditions du marché, se moderniser et produire des biens de qualité.
Elles sont de plus en plus nombreuses et méritent que les pouvoir publics leurs apportent un soutien plus marqué en fournissant des infrastructures de base de qualité et en réduisant les contraintes bureaucratiques et les charges, créant ainsi un climat des affaires propice à la création des entreprises et à l’investissement.
Ce sont les préalables à tout développement économique et social.
NB: une étude sur les profils des dirigeants et des promoteurs fournira certainement des données pertinentes qui contribueront à la compréhension de l’évolution de l’entreprise algérienne et sa capacité à participer efficacement à l’essor de l’économie nationale.
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