« Aujourd’hui, nous devons mobiliser les capacités nationales publiques et privées pour assurer le relais du développement et assurer des emplois par l’investissement. Il est urgent aussi de développer l’entreprise pour arriver enfin à une croissance durable de l’économie.»
[dropcap]C[/dropcap]es propos tenus par le président du FCE, Ali Haddad, lors de la conférence de presse tenue fin juillet, à Alger, résument l’essentiel des propositions que l’organisation a soumis au Premier ministre, Abdelmalek Sellal, lors d’une rencontre à laquelle étaient présents, entre autres, les ministres du Commerce et de l’Industrie.
Des propositions qui tablent sur une croissance économique de 7 à 8% pour les cinq prochaines années.
«Ce plaidoyer n’a pas pour vocation de régler tous les problèmes, mais propose des mesures d’urgence», explique, d’emblée, le président du FCE.
Ces propositions ou recommandations sont en fait un plan d’émergence décliné en 50 points qui préconise, en gros, l’application de l’article 37 de la Constitution consacrant la liberté d’investir, mais aussi la libéralisation de l’entreprise, la dépénalisation de l’acte de gestion et beaucoup d’autres mesures qui auront pour effet, même à long terme, de sortir le pays de la dépendance aux hydrocarbures qui caractérise notre économie depuis toujours.
Une dépendance dont les conséquences sont palpables avec la baisse des prix du pétrole qui se fait ressentir sérieusement et met à nu la fragilité d’une économie que la diversification des ressources aurait pu préserver des effets de la crise.
Ce plan d’émergence comprend des mesures d’urgence structurelles, des mesures sectorielles et, enfin, d’autres pour la subvention et le soutien des prix.
Ces mesures n’omettent pas de consolider le rôle modérateur de l’Etat.
Il faut dire aussi que ce plan pour l’émergence de l’économie n’est pas né aujourd’hui.
«Déjà en 2012, quand le prix du baril du pétrole était de 117 dollars, nous avions proposé des mesures pour sortir le pays de sa grande dépendance aux hydrocarbures», rappelle Brahim Benabdeslam, viceprésident du FCE.
Certains de ces points ont été pris en compte lors de la loi de finances complémentaire 2015 comme le réaménagement de la taxe sur le bénéfice des sociétés (IBS) et la taxe sur l’activité professionnelle (TAP), l’assainissement fiscal ainsi que la dépénalisation de l’acte de gestion, dont les textes d’application sont en préparation.
Parmi les points préconisés, le débat a surtout tourné autour de deux points que sont l’informel et les dépenses touchant aux transferts sociaux. Il faut, dit-on, intégrer le premier et repenser le deuxième.
Rationaliser le soutien aux prix
Les recommandations du Forum des chefs d’entreprise versent toutes dans la même orientation de la nouvelle politique économique décidée par les pouvoirs publics. Aussi, donner une autre orientation aux politiques de subvention suivies jusque-là s’impose. Car, et il ne fait pas de doute, si ces politiques ont certes bénéficié à de larges couches de la société, elles ont en même temps exigé de l’Etat des dépenses énormes.
En effet, rien que pour l’année 2014, la somme consacrée aux transferts sociaux s’est élevée à 60 milliards de dollars, soit 1 707 milliards de dinars.
Ce qui représente 30% du PIB.
Cette politique ne peut plus être menée de la même manière par ces temps de raréfaction des ressources financières.
«Pour mettre fin à ces dépenses faramineuses, au gaspillage et à la fuite des produits hors frontières nationales, mais aussi pour que ce soit réellement les personnes nécessiteuses qui bénéficient de cette aide, nous préconisons un soutien direct aux ménages aux revenus faibles», explique Omar Ramdane.
«Cette opération, détaille-t-il, permettra de recruter 100 000 universitaires qui constitueront l’encadrement dans les différentes communes et s’occuperont à établir un fichier national de ces familles ainsi que de sa mise à jour afin d’éviter les abus.»
Ainsi, trois catégories de ménages seront ciblées par cette opération, à savoir celles sans ressources, celles dont les revenus sont au niveau du SNMG et dont le revenu est égal à 1,5 fois le SNMG.
Elles recevront chacune, en fonction de leur situation, des aides financières qui leur permettront de vivre dans la décence.
Menée dans les conditions proposées par le Forum des chefs d’entreprise, cette nouvelle politique de subvention s’élèvera à 400 milliards de dinars par année, ce qui est bien loin des sommes astronomiques allouées actuellement, et permettra, dit-on, de réduire les subventions de 13 milliards de dollars.
Une caisse nationale de solidarité nationale sera créée pour gérer ce nouveau dispositif.
Récupérer une trésorerie qui dort
Selon les chiffres fournis par la banque centrale, 40 milliards de dollars se trouvent hors des circuits officiels. Cette manne financière circule pour la grande majorité chez les grossistes et dans le secteur de l’informel qui se développe chaque année un peu plus.
«La somme déclarée par la banque centrale est en réalité beaucoup plus importante si l’on lui ajoute la devise étrangère», affirme Mohamed Laïd Benamor, viceprésident du FCE et président de la commission industrie.
Aussi, récupérer cet argent et l’intégrer dans les circuits officiels est, depuis toujours, l’une des revendications du FCE qui propose de lancer une opération d’assainissement fiscal. Les montants déclarés seront taxés à hauteur de 10% puis déposés dans les banques.
«Il s’agit bien entendu de l’argent gris, c’est-à-dire celui qui provient de transactions commerciales où l’impôt n’a pas été payé.
Ce sont des transactions qui se passent dans l’informel.
Il n’est pas question ici de l’argent sale qui provient du terrorisme ou d’un trafic de drogue, de la corruption ou de la contrebande.»
C’est dans cet ordre d’idées que le gouvernement a instauré l’obligation de paiement par chèque pour toutes les transactions commerciales, y compris immobilières. Grâce à ce procédé, le gouvernement espère intégrer ainsi près de 1 700 milliards de dinars.
«Récupérer cette trésorerie qui dort et l’intégrer dans les circuits officiels permettra de donner un nouveau souffle à l’économie.»
En effet, par ces temps de disette, chaque sou récupéré est le bienvenu.
De plus, arriver enfin à intégrer l’informel dans l’économie nationale serait un véritable soulagement pour les opérateurs économiques qui se sont toujours plaints de cette concurrence illégale et surtout impitoyable.
Les membres du FCE se félicitent de ce que les actions proposées concordent tout à fait avec celles de l’Etat pour la mise sur les rails d’une économie nationale forte qui s’appuie sur le tissu productif national, qu’il soit public ou privé.
Ils se félicitent aussi du fait que les propositions touchant à la fiscalité soient introduites dans la loi de finances complémentaire 2015.
Preuve que l’Etat s’engage totalement dans les réformes nécessaires, dit en substance le président du FCE.
Le nouveau code des marchés adopté récemment en Conseil des ministres confirme cette tendance.
Désormais, les produits fabriqués en Algérie et dont la qualité répond aux normes ne sont désormais plus importés.
Encore un autre point qui fera la joie des producteurs qui ne se plaindront plus de la concurrence des importations.
Développement de la logistique
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[dropcap]D[/dropcap]ans sa contribution remise aux pouvoirs publics, le Forum des chefs d’entreprise plaide pour la mise en place d’une Agence nationale pour le développement de la logistique, le suivi de l’efficacité et de la performance des flux logistiques.
Le but étant de donner un élan au développement du secteur de la logistique, d’apporter les solutions adéquates aux problèmes de gestion des flux de marchandises et répondre aux besoins logistiques des différentes stratégies sectorielles.
Il est également préconisé la mise en place d’un plan national de formation dans les métiers de la logistique et développer des passerelles entre le système de formation et le monde de l’entreprise de sorte à mieux intégrer les préoccupations des entreprises.
Le suivi de la mise en œuvre effective de la stratégie nationale de développement de la logistique devrait être assuré par un observatoire national de logistique où devront siéger les représentants des opérateurs économiques, des institutions publiques, du monde universitaire et des experts indépendants.
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Mesures structurelles urgentes proposées par le fce au gouvernement
[dropcap]C[/dropcap]onsacrer la liberté d’entreprendre et d’investir conformément à l’article 37 de la Constitution algérienne en ouvrant de manière effective aux investisseurs privés nationaux l’ensemble des secteurs d’activité économique qui leur sont aujourd’hui, dans les faits, fermés.
[dropcap]M[/dropcap]ettre en place, au niveau de la plus haute autorité de l’Etat, une structure décisionnelle qui regroupait les ministères des Finances, de l’Industrie et du Commerce, avec pour mission d’assurer le pilotage cohérent et le suivi de la mise en oeuvre des mesures d’urgence ainsi que la coordination avec le monde de l’entreprise.
[dropcap]E[/dropcap]ngager une réforme fiscale profonde visant à simplifier l’environnement fiscal de l’entrepreneur, encourager la prise de risques, développer un système de fiscalité local favorisant la décentralisation de la décision économique et, d’une façon plus générale, adapter la fiscalité aux besoins d’un développement à grande échelle des entreprises.
Une telle réforme de fond est déterminante pour la diversification de notre économie et la création de richesse à même d’élargir l’assiette fiscale.
Elle doit en priorité réaménager l’IBS et abroger la TAP.
Elle doit s’attacher également à lancer une opération d’assainissement fiscal pour réintégrer dans le champ légal les volumes financiers circulant dans les circuits informels en taxant à hauteur de 10% les montants déclarés puis déposés dans les banques.
[dropcap]L[/dropcap]ever définitivement le verrou de la disponibilité du foncier industriel en accordant au secteur privé la possibilité de créer, d’aménager et de gérer, dans le cadre du système de concession, des parcs industriels le long de l’autoroute Est-Ouest.
[dropcap]R[/dropcap]éformer le système actuel des prix et des subventions sur le marché national.
[dropcap]C[/dropcap]réer un fonds d’investissement pour favoriser le développement des entreprises et l’expansion rapide du secteur privé, doté d’un montant équivalent à 10 milliards de dollars.
La dotation de ce fonds est à mobiliser à partir du Fonds de régulation des recettes (FRR).
Ce fonds sera, en outre, ouvert à la participation institutionnelle et privée nationales et, éventuellement, à celle d’investisseurs étrangers (Banque africaine de développement, Société financière internationale, Banque islamique de développement).
[dropcap]L[/dropcap]’assainissement fiscal ne concerne pas, naturellement, les liquidités dont l’origine est criminelle (drogue, contrebande, terrorisme, corruption).
[dropcap]M[/dropcap]ettre en place un système opérationnel de gestion des zones industrielles en activité.
Introduire la notion de gestion paritaire des zones industrielles en donnant au secteur privé la capacité d’investir dans un cadre de partenariat public/privé, ce qui aura pour effet de mettre un terme à l’inefficacité de la gestion actuelle.
[dropcap]D[/dropcap]éveloppement des exportations hors d’activité économique. hydrocarbures : un certain nombre de mesures qui relèvent de l’Etat et qui touchent aux procédures et règlements, aux aides et subventions, à la logistique et aux pratiques bancaires et fiscales, doivent être prises rapidement pour engager une véritable dynamique d’exportation.
[dropcap]E[/dropcap]ntreprendre une démarche déterminée visant à rattraper rapidement les retards de développement du secteur des télécommunications et de l’économie numérique.
[dropcap]E[/dropcap]ngager une réforme profonde de l’administration : il est urgent de moderniser l’administration économique de notre pays pour atteindre les performances attendues dans le prochain plan quinquennal et réaliser les objectifs contenus dans ce plaidoyer, soit une connaissance supérieure à 7%.
[dropcap]U[/dropcap]n tel fonds permettrait d’utiliser un levier de 1 pour 10 et de mobiliser ainsi un volume de 100 milliards de dollars pour l’investissement.
[dropcap]L[/dropcap]ancer un grand emprunt national de 2 000 milliards de dinars, garanti par l’Etat, destiné au financement de projets prioritaires, notamment dans le domaine de l’économie numérique, des énergies renouvelables et du soutien aux PME innovantes.
[dropcap]L[/dropcap]ancer une politique de champions économiques. Il s’agit de sélectionner une première liste de 200 champions privés nationaux, répartis sur tout le territoire national, activant dans l’ensemble des branches et secteurs d’activité et leaders dans leur secteur.
[dropcap]M[/dropcap]ettre en place une politique pérenne, ciblée et sélective en matière d’investissements externes nécessaires dans chacun des grands secteurs d’activité économique.
[dropcap]E[/dropcap]ntreprendre une démarche déterminée visant à assurer la sécurité alimentaire.
[dropcap]E[/dropcap]lever la part de marché de la production nationale des matériaux de construction.
Deux produits principalement se caractérisent par une demande nationale élevée, de fortes valeurs ajoutées potentielles, des opportunités importantes d’import-substitution.
Il s’agit de l’acier et du ciment.
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