Paradoxalement au discours d’autosatisfaction constant de ces dernières années, étayé certes par un tableau de bord maintenant les grands agrégats au vert.
La Cour des comptes a, à la veille de l’année qui vient de s’éteindre, levé le voile sur la gestion des ressources financières de l’Etat marquée pour le moins d’incohérences rendant instables les données macro- économiques réalisés jusque- là.
L’état des ressources financières de l’Etat a retenu l’attention cette année, d’abord par le poids des dépenses publiques consentis au
titre de la loi de finance 2012 et le déficit qui s’en est suivi surtout ,qu’il est prévu encore pour cette année un déficit budgétaire de l’ordre de 3 059, 8 milliards de dinars, soit, 18,9% du PIB.
L’on est au stade de sauver les meubles, dans la loi de finances pour la nouvelle année qui prétend surtout parachever les actions sociales contenues dans le programme quinquennal 2009-2014.
Les autorisations de programmes sont réduites de 21,4%, il n’y aura pas de programmes neufs.
Les craintes sont réelles et la conjoncture internationale est loin de rassurer.
Baisse du prix du baril de pétrole conjuguée à la contraction de la demande mondiale devient synonyme de baisse de recettes hydrocarbures et hors- hydrocarbures, cela suppose d’aller inévitablement vers une gestion des plus rigoureuse de la ressource financière publique.
L’appréciation de la Cour des comptes pour l’année 2010, rendue publique il y a quelques semaines se doit d’être prise en compte avec la
plus grande célérité compte tenu du manque à gagner enregistré en terme de collecte de l’impôt et de gestion efficace de ce dernier.
Gestion aléatoire des communes et contreperformance du fisc
2012 a été l’année de la commune, le code communale y a été voté et le renouvellement des assemblées locales et de wilayas opéré,
mais est- ce que la solution suivra quant à l’état végétatif des collectivités locales dont le dernier bilan fait ressortir 1249 communes endettées malgré l’effacement des dettes dont elles ont bénéficié il y a quatre ans.
La mauvaise gestion y a sévi et ce, depuis plusieurs années déjà.
Pour ne prendre que les données de 2010 examinées par la Cour des comptes, le budget des communes avait évolué à un rythme très élevé soit, une hausse « remarquable », selon les termes du rapport de 104%.
Il a atteint 699,316 milliards de dinars alors que celui de la consommation n’a évolué que de 3%.
Une première anomalie qui renseigne sur le manque flagrant de compétences managériales et de respect des règles de droit budgétaires en sus de l’absence de précisons quant aux besoins réels des communes. On retrouvera également dans ce rapport tellement d’incohérences dans la gestion des ressources à tous les niveaux.
Les données de cet exercice montrent que le reste à recouvrer au titre de la fiscalité (RAR) est édifiant. Avec le cumul des années antérieures, il était de 7 713,99 milliards de dinars au total ,soit deux fois et demi les recettes de l’Etat pendant cet exercice et six fois les revenus du FRR évalués à 1 318 milliards de dinars.
Ce qui constitue un manque à gagner important laissé dans la nature. Plus édifiant encore, l’origine de cette ressource non collectée qui provient essentiellement des grosses taxes TVA, IBS, IRG
et TAP.
Tout cela a un nom : déperdition de la ressource et absence de rigueur. Au moins cinq articles du code des procédures fiscales n’ont pas été respectés, souligne le rapport.
Pour cause, les gisements financiers sont peu ou pas exploités et ce, ou moment ou les lois de finances prévoient la résorption du déficit par le recours au Fonds de régulation des recettes comme ultime moyen.
Le taux de couverture du contrôle fiscal était en 2010 de 4 %, occasionnant des retards considérables dans le règlement du contentieux
fiscal. A titre d’exemple, il a été relevé 9400 recours non encore traités, soit 43% du total au niveau des différentes commissions.
Au niveau des commissions de daïra, 8077 dossiers en instance, 1107 au niveau des commissions de wilaya et 216 dossiers non encore traités par la commission nationale.
A noter également que la chambre administrative s’est saisie de 5 460 dossiers dont 3017 antérieurs à 2010 et le Conseil d’Etat de 2421 dossiers dont 1794 datent de plus loin que ça.
Tout cela ne s’explique que par la désorganisation et la contreperformance des services fiscaux dont la réforme structurelle de l’administration peine à se mettre en place.
Le projet date pourtant de 2001 ; onze ans après, l’on est à comptabiliser les défaillances dans le traitement des dossiers, la célérité devant gérer la collecte de l’impôt et la recherche des moyens d’instaurer l’équité fiscale.
Des difficultés subsistent pour finaliser ce projet et les opérations inscrites entre 2001et 2007 étaient encore en 20010 en cours d’exécution.
Ainsi, la DGE, à laquelle est confié le nouveau programme pour 2013 de collecter l’impôt via internet n’a été réceptionnée que cinq ans après sa création et a mis six ans pour devenir opérationnelle.
Les études pour la création de DGE étaient instituées par la loi de finances de 2001.
Il en est de même pour les Centre des impôts (CDI), le rapport notre que sur les 65 CDI prévus, il n’a été réalisé totalement que six d’entre eux.
22 autres n’ont connu aucune réalisation dont quatre n’ont bénéficié d’aucune étude.
L’annonce du paiement électronique pour les premiers mois de 2013 parait, à la lumière de l’appréciation de la Cour des comptes,
peu probable compte tenu du retard mis dans la réalisation du système d’information.
Ce dernier comprend l’acquisition d’une solution logicielle qui doit être programmée et adaptée aux lois et règlements en vigueur, elle doit être reliée à tous les sites concernés par l’information fiscale.
Force est de constater que les seules applications informatiques installées sont celles de la DGE et du CDI de Rouiba et « fonctionnant de manière isolée ».
Ce qui suppose qu’elles sont appelées à être remplacer lors de la mise en place du système d’information.
Infractions multiples et impunies
La tendance haussière des infractions de tous genres inquiète à plus d’un titre, au su de son impact sur l’économie nationale de par le manque à gagner pour le Trésor public mais, aussi et surtout de par l’inertie, pour ne pas dire complaisance, avec laquelle ces opérations sont menées à terme.
A titre d’illustration, l’administration douanière a enregistré durant les années 2008 à 2010 une hausse permanente du nombre d’infractions passant de 18 124 en 2008 à 28 387 deux ans après.
Le montant global des amendes était de l’ordre de 204, 541 milliards de dinars dont 86,677 milliards de dinars pour la seule année 2010.
Parallèlement à cette hausse du nombre d’infraction, le recouvrement a été des plus faibles, il a été recouvré au titre des affaires soumises à la justice seulement 2,859 milliards de dinars.
Les restes à recouvrer des amendes infligées aux contrevenants était de l’ordre de 40,197 milliards de dinars à fin décembre 2010. Les raisons ayant contribué à cet état de fait vont du retard dans le traitement des dossiers au non- suivi des recouvrements devant suivre les décisions de transactions établies.
Des fonds «nombreux mais sans utilité socio-économique»
Interpellé au courant de l’année 2012 par les élus après que le problème soit soulevé par la même institution, en l’occurrence la Cour
des comptes, le ministère des Finances a entamé une opération d’assainissement des comptes d’affectation spéciaux.
101 comptes spéciaux du Trésor, dont 70 CAS, 24 comptes de prêts, 3 comptes d’avance, trois comptes d’affectation et 2 comptes de participation étaient dénombrés mais sans réelle rentabilité économique.
Tenu par les dispositions de la loi régissant la Cour des comptes, le ministère des Finances a procédé, dans la loi de finances pour 2013, à l’assainissement d’une dizaine de comptes d’affectation en regroupement des comptes ayant la même vocation budgétaire.
Légalement, les comptes spéciaux sont ouverts dans des cas exceptionnels dans le but de réaliser des objectifs bien précis.
Seulement, après examen il en est ressorti des incohérences préjudiciables dans la gestion comme dans l’utilité de ces fonds.
Ainsi la Cour des comptes a noté le report incorrect des soldes de certains comptes (CAS) comme c’était le cas pour les années de 2008 à 2010 ou des « discordances » ont été constatées au niveau des balances des entrées et des soldes.
Comme il a été constaté le gel de certains comptes malgré l’importance de la ressource qu’ils renferment.
D’autres sont restés inactifs bien qu’ils aient été dédiés à la promotion de certains segments de l’activité économique.
A l’origine : absence et lenteurs dans la mise en place des textes d’application et écarts dans les écritures comptables entre autres
anomalies enregistrées.
Dans tout cela, c’est la gestion qui fait défaut comme souligné dans le rapport des comptes qui aborde dans son examen une des périodes cruciales de notre économie en relevant le non- respect des dispositions relatives aux conditions de rachat des créances détenues sur les entreprises publiques par le Trésor.
En 2010, la direction du Trésor a pris en charge les créances de 72 entreprises. Cette opération a couté à l’Etat 13,617 milliards de
dinars, soit 18,66% du total du compte spécial portant « assainissement des entreprises ».
Le plus énigmatique reste sans conteste le cas du fonds « liquidation des entreprises publiques » ; ce compte abritait deux lignes
dont celle gérée par la wilaya. Ce dernier a fonctionné à découvert, le déficit était de 56,758 milliards de dinars.
Toujours sous le chapitre liquidation des entreprises publiques, le rapport note une durée de l’opération, à titre d’exemple de la wilaya d’Alger entre 8 et 10 ans et même 13 ans, les motifs sont aussi préjudiciables que condamnables, ils avaient trait à l’incompétence, le manque de coordination entre services concernés et le non- respect des procédures.
Ce ne sont là que quelques exemples ayant émaillé la gestion de la ressource financière publique ces dernières années, soulevés au
courant de cette année 2012 au moment ou, sur la scène internationale la santé de l’économie nationale vacille donnant des
sueurs froides à l’économie nationale qui en dépend grandement de par le marché pétrolier.
Le prix du baril pourrait baisser jusqu’à 85 dollars avertit récemment le centre international de HIC, relayant tous les
organismes mondiaux qui s’accordent sur les prévisions de récession.
Une situation qui pourrait être salutaire pour notre économie dans la mesure où elle va imposer de la rigueur dans la gestion des finances et instaurer d’autres attitudes plus rationnelles que celles adoptées jusque- là.
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