Exercer une activité commerciale quand on est obligé de louer un local pour le faire n’est pas de tout repos en Algérie.
La pérennité de cette activité commerciale ne dépend ni du savoir-faire, ni de l’habileté du commerçant et, encore moins, de la fidélité de la clientèle.
Elle est surtout conditionnée par le bon vouloir du propriétaire des murs qui, s’il refuse de renouveler ce bail, condamne le commerçant à aller ailleurs et recommencer depuis le début.
Cette pratique engendre un nomadisme et une mortalité des entreprises.
[dropcap]N[/dropcap]ombreux sont ceux qui ont eu à vivre cette situation, toujours la même à quelques différences près. Payer une année de loyer à l’avance, entreprendre la rénovation des lieux souvent dans un état lamentable, investir pour asseoir une marque, fidéliser une clientèle et, au bout du compte, se retrouver contraints de quitter les lieux vers une autre destination sans le moindre dédommagement. Cette situation, décriée par les locataires, date d’une dizaine d’années seulement.
« Elle est le résultat de la loi 05-02 du 06 février 2005 qui stipule qu’une location ne donne plus le droit au fonds de commerce même si elle dépasse les 23 mois, alors que celle de 1975 donnait l’avantage au locataire qui pouvait dès le 24ème mois demander le fonds de commerce », explique Said Benmerad, directeur général du centre national du registre du commerce, qui affirme aussi que son institution n’y est pour rien dans cette pratique « pour la stabilité de l’activité, nous demandons des contrats de 6 mois, mais ce n’est pas une obligation pourvu que nous soyons mis au courant de chaque renouvellement d’adresse ».
Le changement de loi, s’il est venu pour corriger une situation précise, a en fait engendré d’autres soucis.
« Le changement de la loi de 1975 par celle de 2005 est intervenu à cause des jeunes désireux de réaliser dans le cadre de l’ANSEJ et qui se retrouvaient face à une situation impossible, d’une part, entre l’administration qui leur exigeait des contrats de location d’une durée de cinq années et, d’autre part, avec les bailleurs qui refusaient systématiquement de leur louer pour cette durée par peur qu’ils réclament ensuite le fonds de commerce.
La situation était intenable et c’est pour permettre à ces jeunes de pouvoir bénéficier des crédits que la révision de la loi s’est faite », explique Mme Sourour Bounegab, juriste au centre national du registre de commerce.
Si la législation a essayé de mettre fin à un problème, elle a en fait créé beaucoup d’autres.
« Il est vrai que la loi de 2005 est intervenue pour régler un problème et gérer la pénurie de l’immobilier, il s’avère dans les faits et avec le temps qu’elle a aussi créé des problèmes collatéraux en révisant la notion du fonds de commerce, avant il était monnayable, aujourd’hui il ne l’est plus.
Il est vrai aussi qu’il n’existe pas une définition précise du fonds du commerce mais nous savons qu’il est un ensemble d’éléments corporels comme le matériel, le mobilier, la marchandise mais aussi d’éléments incorporels comme l’enseigne, le nom commercial, le droit u bail et la clientèle. Or, pour assainir la vie commerçante et professionnaliser le métier, il faut que le fonds garde toute sa valeur marchande », affirme Said Benmerad.
A bien lire la loi du 6 février 2005, venue pour modifier et compléter l’ordonnance 75-59 du 6 septembre 1975 portant code du commerce, nous relevons à travers les articles 187 bis et 187 ter que le sens du bail est modifié puisqu’il n’est plus défini et la protection assurée par le législateur au commerçant locataire lui est retirée car il ne peut prétendre ni au droit de renouvellement ni à l’indemnité d’éviction qui est la valeur marchande du fonds de commerce à laquelle il faut ajouter les frais de déménagement et de réinstallation ainsi que les droits de mutation pour un même fonds.
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