Aloisia Wörgetter, ambassadrice d’Autriche à Alger
Nous nous étions préparés à parler avec l’ambassadrice d’Autriche Aloisia Wörgetter des relations économiques entre l’Algérie et l’Autriche, du volume des échanges commerciaux qui en 2011se sont élevés à 300 millions d’euros.
Ont- ils en 2012 augmenté, stagné ou est-ce le statuquo ?
Quels sont les domaines qui intéressent les Autrichiens et les perspectives de coopération entre les deux pays ?
Nous nous sommes retrouvés à parler de datte, d’huile d’olive, de tapisserie, de produits artisanaux dont regorge l’Algérie, de tourisme entre les deux pays et d’un vol bihebdomadaire reliant Alger à vienne.
Femme de terrain ,Aloisia Wörgetter qui est en poste à Alger depuis 2010, s’est «promenée» un peu partout dans le pays , ramenant dans ses bagages des produits du «terroir» qu’elle tient absolument à faire découvrir aux Autrichiens pour peu que les produits en question répondent aux normes internationales .
Elle nous en parle à cœur ouvert, dans l’entretien qu’elle a bien voulu nous accorder, laissant le détail des chiffres et autres statistiques à deux de ses collaborateurs.
DZEntreprise : Nous imaginons que l’introduction de la datte sur le marché autrichien s’est faite avec beaucoup de minutie, quelle a été la démarche pour que le produit y soit régulièrement ?
Aloisia Wörgetter : Il y a toute une logistique à développer, il faut que le marché soit régulièrement approvisionné et non de manière épisodique.
La possibilité d’un partenariat n’est pas à exclure. L’Autriche est un marché ouvert, le consommateur prend ce qu’il y a de meilleur.
Il y aussi l’emballage du produit, la présentation est très importante et d’autres paramètres que l’on doit respecter pour offrir au consommateur un produit irréprochable.
Depuis que je suis en Algérie, j’ai compris ce qu’il y avait à faire grâce aux collègues algériens. Je prône des relations durables et je suis très impliquée dans le développement durable.
Les produits agricoles algériens sont bio, et c’est un label très prisé en Autriche et partout en Europe. Il y a des produits agricoles qui gagneraient à être connus en vue de leur exportation vers mon pays.
DZEntreprise : Par exemple ?
Aloisia Wörgetter : Tenez l’huile d’olive ! En Autriche on connait l’huile d’olive d’Espagne, d’Italie, mais on ne connait pas l’huile d’olive algérienne. Il faut avoir vécu ici pour la découvrir. C’est aussi un produit que les familles gardent pour leur consommation personnelle.
Des familles en vivent aussi, mais souvent l’huile est vendue dans des bouteilles en plastique très peu esthétiques. Il m’est arrivé de vouloir en acheter pour offrir, mais c’est impossible.
On ne peut faire un beau cadeau quand l’emballage laisse à désirer. Heureusement pour ce produit, les choses ont tendance à changer. Lors de mon passage en Kabylie, j’ai eu à visiter une huilerie à Ouzzalaguen, l’huile est très bien conditionnée, dans des bouteilles en verre très esthétiques…
DZEntreprise : Vous pensez donc qu’en dépit des exigences européennes en matière d’exportations de produits agricoles, l’huile d’olive algérienne a ses chances sur un marché que l’’Espagne, le Portugal, l’Italie, la Grèce et la Turquie dominent ?
Aloisia Wörgetter : Nous observons l’évolution des produits agricoles sur les marchés particuliers.
L’huile d’olive algérienne mérite d’être connue. Elle est particulière ! En ce qui me concerne, je fais le nécessaire pour l’introduire progressivement sur le marché autrichien. Il faut savoir que les pays producteurs sont principalement les consommateurs, mais il y a des produits d’une certaine qualité, des produits de luxe, en quelque sorte.
Nous avons envoyé de l’huile d’olive dans différents magasins de gourmets pour qu’elle soit goûtée, cuisinée, nous attendons les réactions, puis nous aviserons !
Vous savez les produits du « terroir » dont regorge les différentes régions de votre pays sont exceptionnels !
DZEntreprise : Récemment, un protocole d’accord a été signé entre le ministre algérien de l’Agriculture et du Développement rural et son homologue autrichien en quoi consiste –il ?
Aloisia Wörgetter : C’est un accord qui vise à la dynamisation de la coopération entre nos deux pays dans le domaine de l’agriculture et du développement durable.
Il y est question d’élevage (nutrition et santé animale), de reboisement et de gestion des parcs nationaux. Il faut savoir que dans le domaine de l’élevage, la coopération entre l’Algérie et l’Autriche ne date pas d’aujourd’hui.
Je cite à l’occasion cette coopération avec la ville de Khenchla. Une ville où la collecte de lait est très difficile, un peu comme dans certaines régions d’Autriche.
Dans ces régions là les producteurs locaux se sont transformés en fromagers avec un produit local. Une expérience que l’on a tenu à faire découvrir à une délégation de Khenchla envoyée en Autriche.
DZEntreprise : Vous avez organisé une exposition vente de tapis pure laine de la région de Touggourt à votre résidence, qu’en attendez vous ?
Aloisia Wörgetter : Tout ce qui est développement rural et durable m’intéresse. Dans ces régions du sud de l’Algérie, il y un savoir- faire réel. Je voulais, en partenariat avec l’Association féminine pour la promotion de l’artisanat ouargli, permettre aux femmes artisanes d’établir un pont d échange et mettre en place des projets d’associations.
Le Tapis pure laine que ces femmes fabriquent est fait de manière traditionnelle avec un savoir- faire ancestrale, très naturel. Et ce genre de produits est très prisé.
DZEntreprise : Il y a une année, vous aviez à partir de Annaba plaidé pour et appelé à explorer toutes les potentialités économiques susceptibles d’aboutir à un partenariat entre l’Algérie et l’Autriche, qu’en est-il aujourd’hui ?
Aloisia Wörgetter : Tout ce dont je vous ai parlé précédemment est autant de possibilités, il y a une évolution, mon intérêt est de construire des relations économiques qui tiennent.
Les relations commerciales entre nos deux pays tendent à se renforcer, l’Algérie est un partenaire économique fiable de l’Autriche, c’est notre premier partenaire au Maghreb et le troisième en Afrique, nous sommes présents dans presque tous les secteurs…..
DZEntreprise : A l’exception du logement. L’Autriche, contrairement à bon nombre de pays européens, ne semble pas intéressée par ce marché.
Aloisia Wörgetter : Il faut savoir que la demande en Europe centrale est encore très forte, nos entreprises y travaillent. Aussi les entreprises autrichiennes ont une excellente qualité, elles ont des exigences, elles ne peuvent donc pas concurrencer les entreprises chinoises.
Mais il n’est pas exclu que dans un futur très proche les entreprises autrichiennes viennent pour des projets de travaux publics. Il faut savoir qu’une grande entreprise est déjà là. STRABAG qui est à Ouargla pour un problème de remontée des eaux.
Reste le créneau de la construction de logement en bois, nous sommes en train de sensibiliser le ministre de l’Habitat pour voir ce qui se fait en matière de logement social en Autriche.
Le coût du logement social est le même, mais les délais de réalisation sont très courts. Et les constructions en bois restent très écologiques, elles ont leur place dans certaines régions de l’Algérie.
DZEntreprise : Vous avez dans une récente sortie médiatique souhaité voir une liaison aérienne reliant Alger-Vienne quelque chose a été faite en ce sens ?
Aloisia Wörgetter : Les deux compagnies concernées doivent comprendre qu’il y a des potentialités, entre autres le tourisme. Une liaison bihebdomadaire entre Alger et Vienne encouragerait les échanges.
S’il y avait un vol direct, qui dure en moyenne 2h 30 mn, je suis persuadée que beaucoup d’Algériens n’hésiteraient pas à aller passer de cours séjours à Vienne qui reste une ville de congrès.
Beaucoup de médecins, de cadres, d’architectes, qui se sont rendus à Vienne pour des raisons professionnelles, souhaitent y revenir pour découvrir la ville. Aujourd’hui pour y aller il faut transiter par une ville européenne. C’est long et coûteux !
DZEntreprise : Y a-t-il une demande algérienne sur cette destination ?
Aloisia Wörgetter : Oui des agences de voyages ont prospecté, il y a des potentialités.
Vienne est une ville touristique, nous venons d’éditer un guide en langue arabe, et c’est une première.
Alors vivement un vol direct Alger-Vienne. Il ouvrirait bien des perspectives.
Les relations économiques Algéro-Autrichiennes
les relations commerciales entre l’Algérie et l’Autriche se sont renforcées successivement depuis le début des années 1980.
Actuellement, l’Algérie constitue pour l’Autriche le troisième partenaire économique africain et le premier dans la région du Maghreb.
Le volume des échanges commerciaux bilatéraux en 2011 se chiffrait à 300 millions d’euros. Au premier semestre 2012, les échanges avaient déjà atteint les 2 /3 du niveau de l’année précédente.
Les importations en provenance de l’Autriche représentent 147 millions d’euros. Pour le premier semestre 2012, les importations algériennes ont atteint 120 millions d’euros- ce qui annonce un fort accroissement des échanges pour l’année 2012.
Les principaux produits importés par l’Algérie en provenance de l’Autriche sont les véhicules tout terrain, les machines – notamment les pompes à liquides et les grues-, les bovins reproducteurs, le papier, les produits pharmaceutiques et le bois.
Les projets en cour en Algérie
Dans le domaine de l’environnement plusieurs stations d’épuration des eaux usées ont été construites et encore gérées par des sociétés autrichienne, en l’occurrence VA Tech WABAG, STRABAG et AQUA ENGINEERING.
La gestion de la plus grande station d’épuration des eaux usées en Algérie à El Kerma près d’Oran a été confiée à VA Tech Wabag qui s’occupe aussi de la formation du personnel et ainsi garantir un transfert de savoir-faire.
La société Strabag a réalisé la station d’épuration par lagunage aéré à Ouargla et les ouvrages du transfert Chott Ain Beida vers la Sebkha de Sefioune, 40 Km de canal et trois stations de pompage et relevage.
Dans le secteur de la construction, la société STRABAG s’occupe de la partie génie civil du projet du métro d’Alger pour la ligne 1 Hai El Badr-Grande Poste (achevée), le tronçon Hai El Badr-El Harrach (en cours) et le tronçon Hai El-Badr-Ain Naadja (confié à Strabag).
Plusieurs téléphériques ont été réalisés en Algérie par l’entreprise DOPPELMAYER GARAVENTA, leader mondial dans la remontée mécanique : entre autres les téléphériques de Constantine, Skikda et Tlemcen.
Plusieurs projets à Alger sont en cours. DOKA, spécialiste de premier rang mondial dans la technologie du coffrage, assure avec cette technologie la rapidité et la sécurité dans la construction et fournit aussi la formation du personnel dans sa filiale algérienne ainsi que pour les partenaires dans le BTPH. Des bureaux d’études réalisent actuellement la partie technique des chantiers et l’accompagnement des projets, comme FLEISCHMANN CONSULT et OBERMEYER BERNARD INGENIEURE.
D’autres entreprises autrichiennes installées en Algérie sont versées dans différents secteurs : BIOCHEMIE KUNDL (Novartis) à travers Sandoz Algérie dans le domaine pharmaceutique, ROXCAL dans le papier et SIEMENS dans le domaine ferroviaire.
Les autres domaines qui intéressent les autrichiens
L’Autriche manifeste un intérêt pour la coopération dans plusieurs secteurs en Algérie. Outre le BTP, la santé, l’environnement et les énergies renouvelables, particulièrement l’énergie solaire, ou l’Autriche est pionnière, intéressent beaucoup les Autrichiens.
La technologie autrichienne peut offrir des solutions pour la gestion des déchets industriels, ménagers et hospitaliers.
Dans le domaine de l’agriculture, l’Autriche souhaite renforcer la coopération déjà établie entre des institutions autrichiennes et algériennes en matière de transfert de savoir-faire et de soutien à l’élevage.
Cette coopération pourrait concerner les techniques de nutrition et santé animale, les techniques d’insémination artificielle pour améliorer le cheptel bovin et la production laitière. Les machines agricoles et la gestion des forets sont aussi un créneau qui intéresse les opérateurs autrichiens.
La transformation du plastique est une filière qui intéresse aussi beaucoup les Autrichiens. Il ya des sociétés autrichiennes qui cherchent un partenariat pour le développement de ce secteur en Algérie en proposant des outils et machines pour la production locale.
Plusieurs produits et équipements pourraient aider dans l’industrie locale, à titre d’exemple des machines qui permettent l’extrusion de profilés plastiques ainsi que les installations complète destinées à la fabrication de fenêtres en PVC.
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