L’ouverture du capital des banques publiques est aujourd’hui incontournable, a affirmé Ali Mebroukine, professeur en droits des affaires, ce 26 novembre 2020, à la chaîne 3 de la radio algérienne.
Selon l’expert la réouverture de ce dossier, abandonné en 2007 –après avoir enregistré une bonne avancée notamment avec le CPA- est absolument nécessaire pour absorber un déficit budgétaire de 2381,5 milliards de dinars, soit 17,6% du PIB mais aussi une dette interne « extrêmement importante» qui est de 8700 milliards de dinars, soit 57% du PIB.
«Notre pays a besoin avant tout de se désendetter, c’est-à-dire rétablir les équilibres macroéconomiques avant d’engager des réformes structurelles réclamées depuis plus de 20 ans mais reportées pour différentes raisons, entre autres politiques et idéologiques. » soutient Ali Mebroukine qui estime que pour développer notre économie, «les banques doivent assurer l’intermédiation financière. Le président de la République lui-même a dit, le 19 aout dernier, que nous avons des guichets et non des banques».
Insistant sur cette importante mission d’intermédiation financière, le Pr Ali Mebroukine dira : «nous avons besoin de banques qui prennent des risques, qui s’engagent, qui financent l’investissement d’autant qu’en Algérie, il n’y a que le marché monétaire qui est vecteur du développement de l’économie. La capitalisation boursière algérienne est la plus faible du monde arabe».
Rappelant que l’ouverture du capital des banques publiques a été décidée aussi dans le cadre de l’accord d’association avec l’Union européenne en 2002, l’invité de la rédaction évoquera la crise des subprimes à partir de 2007, l’autre facteur à l’origine de l’abandon du dossier. «Au moment même où la capitalisation du CPA était acquise, il y a eu la crise financière internationale dite des Subprimes. L’Algérie ne voulait pas prendre des risques parce que nos banques candidates à l’ouverture du capital étaient elles aussi affectées plus ou moins par la crise». Rappelle le Pr Ali Mebroukine.
Aujourd’hui, la conjoncture diffère et la reprise du dossier de capitalisation de ces banques, avec le double objectif de se désendetter et d’assurer l’intermédiation financière, est possible, d’autant que des contacts ont été engagés. Seulement, il y a des conditions pour cette reprise. Evoquant une éventuelle reprise par des investissements étrangers, le Pr Ali Mebroukine, relèvera que ce que cherche, en fait, cet investisseur étranger, n’est pas de lui accorder des facilités et des exemptions fiscales mais de lui aménager un environnement favorable.
«Non, les investisseurs étrangers ne sont pas sensibles aux incitations et aux exemptions fiscales. Ce qu’ils veulent, c’est un marché stable, une main d’œuvre qualifiée, un climat des affaires qui fonctionne». Citant, à titre d’exemple, le domaine des hydrocarbures, il dira : «dans ce domaine des hydrocarbures, ce qui intéresse les investisseurs, c’est la capacité de Sonatrach à changer de gouvernance et à être un véritable opérateur économique au même titre que les compagnies étrangères».
L’indépendance de la Banque d’Algérie, une urgence selon Ali Mebroukine
Pour revenir aux banques, le Pr Mebroukine tient à souligner un point qu’il considère important parce qu’il le considère comme un sérieux blocage à cette opération de capitalisation bancaire et de la libération de l’économie en général. «Il faut que la banque d’Algérie soit totalement indépendante. Elle ne l’est pas actuellement. Je plaide pour que cette banque des banques soit un superviseur intransigeant comme c’est le cas de toutes les banques centrales à travers le monde. »
Pour l’invité de la chaine 3 « la banque d’Algérie doit veiller au respect par les banques commerciales d’un certain nombre de critères et de règles prudentielles. Ce travail, elle ne le fait pas actuellement. Les banques publiques échappent au contrôle de la banque d’Algérie. Il faut dire clairement les choses. Si nous voulons que notre pays se redresse, que notre gouvernement réussisse dans sa mission, il faut prendre les bonnes mesures. Cela passe par l’octroi de plus de pouvoirs au Gouverneur de la Banque d’Algérie mais également par l’activation du rôle de la commission bancaire qui doit elle aussi contrôler les banques et s’assurer que les ratios prudentiels sont appliqués ».
Le Pr Ali Mebroukine qui plaide pour la révision de la loi sur la monnaie et le crédit, affirme que « si demain, nous acceptons des repreneurs étrangers, nous devons également revoir notre réglementation des changes». L’autre point sur lequel insistera le spécialiste en droit des affaires, c’est «la nécessité de regrouper plusieurs banques dans une seule banque. C’est bien d’avoir plusieurs banques pour créer de la concurrence mais cela aussi a ses inconvénients».
Collecte d’épargne, la vocation principale de la CNEP
Dans son intervention à a radio, le Pr Ali Mebroukine a aussi cité la CNEP-Banque mais pas pour dire son souhait d’une éventuelle reprise de capital. Ce que souhaite l’expert, c’est plutôt de voir la CNEP revenir à sa vocation originelle qui est de collecte l’épargne. «La CNEP qui a changé de statut en 1990 pour devenir une banque. Ce statut l’éloigne considérablement de sa vocation originelle. Il est nécessaire qu’elle redevienne un établissement financier qui collecte la ressource des épargnants et distribue du crédit aux promoteurs immobiliers pour qu’ils puissent réaliser leurs logements, tandis que les particuliers viendraient compléter leur épargne de sorte à pouvoir accéder à la propriété. Le statut actuel de la CNEP est une anomalie».
S. H.
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