Confronté à des conditions climatiques de plus en plus rudes, le secteur agricole est en phase d’amorcer un cycle de reconversion, du moins la filière céréalière. C’est ce qu’il y a lieu de déduire de la récente déclaration du ministre de l’Agriculture et du développement rural, Abdelhafidh Henni, laissant entendre une orientation vers le renforcement de la culture du blé dur au lieu de concentrer les efforts sur le bé tendre, les rendements de ce dernier étant fortement impactés par la baisse de la pluviométrie.
«Sachant que la culture du blé dur est l’apanage des pays du sud, dont l’Algérie, c’est pourquoi, dans notre vision future, il est question d’élargir les surfaces dédiées à cette espèce pour parvenir à l’autosuffisance et exporter les surplus de production en la matière pour importer le blé tendre, puisque nous en sommes un pays grand consommateur», a fait remarquer Abdelhafidh Henni, le week-end dernier, à un moment où les acteurs de la filière céréalière et les spécialistes en la matière viennent de tirer la sonnette d’alarme quant aux conséquences de la sécheresse qui frappe cette année, non seulement l’Algérie, mais tous les pays de la région de la Méditerranée occidentale.
Avec une absence totale de précipitations depuis le début mars dernier, la saison céréalière de cette année, dont les périmètres irrigués ne représentent qu’une infime partie, risque de se solder avec des récoltes en forte baisse, contrariant ainsi l’objectif fixé en début de campagne labour-semailles visant 30 quintaux/hectare de rendements pour dépasser les 41 millions de quintaux collectés l’an dernier.
Concernant cette nouvelle orientation dont vient de faire part Abdelhafidh Henni et qui consiste à privilégier le blé dur sur le blé tendre, il y a lieu de relever que les besoins exprimés par le marché en blé tendre sont plus importants que les besoins en blé dur. Tel qu’il ressort de certains bilans statistiques des services de douanes, chaque année, le blé tendre représente plus de 70% des 6 à 7 millions de tonnes de blé importées annuellement.
Durant la saison dernière, l’USDA (le Département américain de l’agriculture) et le GAIN (Réseau mondial de l’information agricole), ont révélé, dans un rapport sur l’évolution du marché mondial des céréales, que la consommation de l’Algérie en blé (tendre et dur) entre juillet 2020 et juin 2021, soit durant la saison (2020/21), a dépassé les 11 millions de tonnes, dont 90% des besoins en blé tendre ont été couverts par le recours à l’importation.
La production locale couvre 95% des besoins en blé dur
Cependant, sans livrer de statistiques précises sur la répartition des 41 millions récoltés la saison dernière entre le blé tendre, le blé dur et l’orge, le ministre de tutelle a affirmé toutefois en janvier dernier que la récolte couvre jusqu’à 95% des besoins du marché durant l’année en cours en blé dur, demandé quasi exclusivement pour la fabrication de pâtes alimentaires et de la semoule, alors que, pour ce qui est du blé tendre, utilisé principalement dans la fabrication du pain, « nous visons à couvrir 50 % des besoins en production locale».
Le consultant en développement agricole, Aïssa Manseur, pour sa part, estime les besoins de l’Algérie en blé dur à 38 millions de quintaux/an, dont 20 millions en moyenne proviennent de la production locale et 18 millions de quintaux de l’importation. Ainsi, en élargissant davantage les surfaces cultivées, la filière locale parviendra facilement à couvrir la totalité des besoins en la matière.
Quant aux conditions de production au niveau local, les agronomes et spécialistes du domaine ont toujours relevé les difficultés que rencontrent beaucoup plus les producteurs de blé tendre que ceux qui optent pour le blé dur. «Le blé tendre est une espèce très sensible qui demande un bon niveau de précipitations ainsi que de l’humidité lors des moissons. Il faut du temps pour trouver les variétés qui s’adaptent à notre climat sec».
Toutefois, la donne peut changer avec le développement accéléré des grandes cultures dans le sud du pays depuis quelques années. A juste titre, en plus de la volonté de son département à privilégier le blé dur, le ministre de tutelle a ajouté que l’objectif de la politique sectorielle actuelle est d’atteindre un million d’hectares de cultures céréalières dans les wilayas sahariennes « avec des rendements entre 80 et 90 millions de quintaux/hectare ».
Outre la filière céréalière, les spécialistes sont unanimes à suggérer le changement du modèle agricole pour répondre aux nouveaux défis qu’imposent le changement climatique, dont les effets sont plus que jamais perceptibles avec la sécheresse historique que le pays traverse cette année, un épisode jamais observé depuis 1944, selon des archives des services météorologiques.
«Il y a lieu de s’orienter, de plus en plus, vers l’agriculture de conservation, qui favorise l’infiltration de l’eau et la réduction de son évaporation», recommande par exemple le spécialiste des grandes cultures Arezki Mekliche.
Mohamed Naïli
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