Le livre que nous vous présentons est l’œuvre du professeur Rachid BOUDJEMA, docteur d’Etat en sciences économiques, consultant et chercheur.
Le livre s’intitule : « Economie du développement de l’Algérie 1962-2010 »,
édité par la maison El Khaldounia.
(Alger Kouba).
C’est un ouvrage qui couvre 50 ans de tentatives de développement menées par le pays.
Le professeur Boudjema estime « qu’un demi siècle d’observation est un délai significatif pour porter un jugement objectif sur le processus de développement d’un pays ». Il nous livre, alors, un diagnostic remarquable.
L’auteur a structuré ce bilan en fonction des grandes options de développement de l’Algérie, des différents plans de développement suivis et les actions correctives décidées à la fin de chaque expérience bloquée. Les trois volumes s’articulent autour des thèmes suivants :
– Volume I : De l’état administrateur du développement 1962-1978 à l’état correcteur du développement 1979-1988.
– Volume II : Des accords de l’Algérie avec le FMI, 1989-1998 à la relance autonome du développement 1999-2010.
– Volume III : Des contraintes majeures de développement et des tares de la logique rentière.
Les différents plans de développement appliqués en Algérie ont consommé des fonds importants, mais ils se sont soldés par des résultats insuffisants.
L’aspect politique ayant été prédominant et la rente ont contribué ,selon l’auteur, à la situation actuelle caractérisée par :
– 98 % des exportations proviennent des hydrocarbures
– Dépendance envers les importations des biens de première nécessité et de matières premières à concurrence de plus de 70% des besoins
– Un retour sur investissement très faible.
Malgré ses potentialités, l’Algérie n’a pas pu mettre son économie sur la voie du développement et de la croissance continue. Sa politique, ses approches et ses institutions ne lui ont pas permis de réunir les conditions qui placent le pays sur la trajectoire d’un pays émergent.
Dans une interview accordée à un quotidien national, l’auteur qualifie la manière de mener le développement du pays d’une « sommation de contrats internationaux ».
En outre, l’auteur nous rappelle que le développement n’est pas uniquement quantitatif, il est multidimensionnel, il y a des aspects liés à l’éducation, à la santé, au logement, en un mot des aspects qui améliorent ou non le bien- être du citoyen.
Le pourquoi des options idéologiques, des choix stratégiques, les incohérences, les résultats, les échecs sont traités pour chaque période avec méthode et pédagogie.
Le secteur privé a été écarté du processus de développement. Rose ACkerman, économiste du FMI, qualifie ce type de relations entre un état omniprésent et une pression sur la privée de « relations stériles et déloyales entre l’Etat et le secteur privé. »
Le grand mérite de ce remarquable travail est de conduire le lecteur à se poser des questions : pourquoi un tel échec, alors que les moyens existent ? Quelles sont les principales causes des contre- performances de l’économie algérienne? Que faire pour sortir de ce cycle d’éternel retour au point initial ?
En général, les économistes retiennent trois types d’option de développement :
– L’option « le tout Etat », Un développement mené totalement par l’Etat. L’Etat finance, exécute les plans et dirige les entreprises. Il décide de tout. Cette option soldée des échecs (pays de l’ex- Europe de l’Est) continue à avoir des adeptes en Algérie.
– L’option libérale, voire néolibérale , que quelques économistes recommandent pour sortir l’économie algérienne de la mainmise de l’Etat sur l’économie et permettre à un secteur privé de s’affirmer et mener le développement du pays sur des bases libérales.
– L’option type pays scandinaves où les effets négatifs de l’option libérale sur la répartition des richesses et la protection des plus faibles sont corrigés par une intervention d’équilibre menée par des institutions étatiques efficaces.
Le professeur R. Boudjema réfute l’option qui consiste à choisir un modèle de développement dans un environnement dominé par la mondialisation. Il suggère que « L’Algérien gagnerait à tracer le trajet de son futur développement et à le réviser régulièrement selon les exigences de l’économie mondiale ».
Quelle que soit l’option choisie, il y a des conditions qui permettent la réussite des réformes structurelles indispensables pour développer un pays.
L’auteur retient deux conditions ; la pertinence des choix et la transparence, et suggère la création d’un observatoire de l’économie mondiale pour fournir des données et des analyses qui permettent d’orienter les acteurs économiques.
Les conditions pour réussir les réformes
Se référant à des expériences de développements réussis, les institutions internationales et beaucoup d’économistes (prix Nobel d’économie) retiennent deux conditions fondamentales pour mener à bien des réformes structurelles :
– La bonne gouvernance
– La qualité des institutions
Pour tous les pays qui enregistrent des résultats médiocres, les spécialistes du développement recommandent de procéder à des réformes institutionnelles pour aller vers la bonne gouvernance et l’amélioration de la qualité des institutions. Mais toutes ces actions sont conditionnées par plus de démocratie, de transparence, d’équité et de responsabilité.
La bonne gouvernance et la qualité des institutions jouent donc un rôle primordial dans la réussite ou l’échec d’une politique économique.
Les économistes de la Banque mondiale (équipe D.Kaufman) estiment que trois éléments fondamentaux déterminent la bonne gouvernance :
– Un service public efficace
– Un système juridique fiable
– Une administration redevable envers ses usagés.
La difficulté de mener des réformes approfondies
Les réformes viennent en général après une période de blocage caractérisée par des difficultés économiques et sociales ; chômage, baisse de revenu, inflation, déséquilibres macroéconomiques, besoins en logements, institutions défaillantes…
Or les citoyens attendent des réponses immédiates, ils veulent du concret. S’ajoute à ce besoin immédiat, la perte de crédibilité d’un gouvernement qui a conduit le pays à des réformes difficilement supportables par les citoyens.
Les expériences en développement ont démontré qu’il ne sert à rien de se fixer- pour des raisons démagogiques – des objectifs ambitieux dont la concrétisation dépasse les capacités des institutions du pays.
Les conséquences et les surcoûts induits par ce type de démarche sont nuisibles à l’économie et au bien-être du citoyen. En ce qui concerne l’Algérie, la Banque mondiale a estimé les surcoûts dus à la non- maturation des projets ou à leur démesure à 30 à 40% du coût initial, ce sont des milliards de dollars perdus par le pays.
Une réforme doit obéir à une démarche réaliste et crédible. Les experts retiennent trois conditions pour réussir une réforme structurelle :
– La faisabilité : la qualité des institutions, leur capacité
– La crédibilité : protection des réformes, indépendance de la justice…
– L’acceptabilité : équilibre entre gagnants et perdants
Le professeur R.Boudjema a le mérite de nous présenter un diagnostic sans concessions et sans parti- pris politique ou idéologique.
II est souhaitable de voir cet important ouvrage distribué dans les grandes librairies au grand profit des analystes et des étudiants.
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